C’est une nouvelle qui a fait l’effet d’une bombe dans le monde de l’artisanat parisien. Ultramod, la plus ancienne mercerie de la capitale, a définitivement fermé ses portes après près de 200 ans d’existence. Située au 4 rue de Choiseul dans le 2ème arrondissement, cette institution était un véritable temple pour tous les passionnés de couture, de chapellerie et de décoration.
Un Lieu Chargé d’Histoire
Ouverte dans les années 1830, la mercerie Ultramod a traversé les siècles sans prendre une ride. Avec son décor suranné, ses étagères croulant sous des milliers de boutons, rubans et autres galons, elle était un véritable voyage dans le temps. Même l’odeur y était unique, mélange subtil de vieux parquets cirés et de drapés poussiéreux.
D’abord, il dit un mot de Monsieur Auguste Vabre : c’était le fils aîné du propriétaire ; il avait pris, au printemps, le magasin de soierie du rez-de-chaussée, et occupait également tout l’entresol.
– Extrait de “Pot-Bouille” d’Émile Zola (1882)
Preuve supplémentaire, s’il en fallait, qu’Ultramod faisait partie intégrante du patrimoine culturel de la ville. Un lieu presque mythique, source d’inspiration pour de nombreux artistes et écrivains au fil des décennies.
Une Clientèle Éclectique
Du grand couturier à la petite main, en passant par le décorateur ou le chapelier, Ultramod était le repaire de tous les aficionados des métiers d’art. On y venait dénicher la perle rare, ce bouton vintage introuvable ailleurs ou ce ruban assorti à la perfection.
Des créateurs et stylistes de grande maison de couture viennent trouver chez nous des produits qu’ils ne trouvent nulle part ailleurs, et nous avons aussi énormément de touristes qui viennent des quatre coins du monde pour visiter notre boutique.
– Anne-Christine Morin, gérante d’Ultramod
Mais ce qui faisait la force de cette mercerie historique, c’était aussi sa capacité à s’adresser à tous les publics. De l’apprenti au professionnel confirmé, chacun y trouvait son bonheur et des conseils avisés.
Les Raisons d’une Fermeture
Alors pourquoi un tel commerce emblématique a-t-il dû baisser le rideau ? D’après une source proche du dossier, c’est le propriétaire des murs, le groupe Carac, qui a décidé de ne pas renouveler le bail. Une décision brutale et unilatérale, qui n’a laissé aucune chance à la gérante de se retourner.
Nous n’avons pas de contact avec eux, sinon avec leurs avocats. On ne sait même pas si ce lieu restera un commerce.
– Anne-Christine Morin, gérante d’Ultramod
Un coup dur pour cette passionnée qui avait repris l’affaire familiale il y a 30 ans et y avait mis tout son cœur. Mais face à un tel mastodonte de l’immobilier, difficile de lutter. La page se tourne donc définitivement pour Ultramod qui devra rendre les clés ce lundi.
Quel Avenir pour l’Artisanat Parisien ?
Au-delà du cas particulier d’Ultramod, c’est tout un pan de l’artisanat parisien qui est aujourd’hui menacé. Face à la pression immobilière et à la standardisation des commerces, ces lieux uniques qui font le charme de la capitale disparaissent peu à peu.
La disparition de ce type de commerces, c’est aussi un problème, au même titre que la disparition de l’artisanat parisien.
– Nicolas Bonnet-Oulaldj, adjoint à la maire de Paris chargé du commerce
Pour tenter d’enrayer le phénomène, la municipalité dispose bien d’un outil de préemption. Mais celui-ci ne s’applique malheureusement qu’aux baux commerciaux et non aux murs. Un vide juridique qui profite aux grands groupes immobiliers, au détriment des petits commerçants et artisans.
Que va Devenir Ultramod ?
Si une petite partie des stocks a pu être transférée dans la boutique d’en face, dédiée plus spécifiquement à la couture, l’essentiel devra être vendu ou déménagé. Un véritable crève-cœur pour Anne-Christine Morin qui voit partir en fumée 30 années de sa vie.
Quant au devenir des locaux du 4 rue de Choiseul, le mystère reste entier. Bureaux ? Logements ? Nouveau commerce standardisé ? Nul ne le sait, et c’est bien là tout le problème. Car en laissant disparaître ces commerces parisiens historiques, c’est une partie de l’âme de la ville qui s’envole.
Ils jouent un rôle historique, touristique et de conservation pour les métiers qui sont derrière (…) C’est une chaîne complète.
– Nicolas Bonnet-Oulaldj, adjoint à la maire de Paris chargé du commerce
Une chaîne qui risque malheureusement de se briser si rien n’est fait pour protéger ces lieux d’exception. Car une fois disparus, ils ne renaîtront pas de leurs cendres. Et c’est tout un pan du patrimoine culturel français qui risque de partir en fumée.
Un Avenir en Pointillé
Pour Ultramod, l’aventure s’arrête donc ici, dans cette rue de Choiseul qui l’a vu naître et s’épanouir pendant près de deux siècles. Un vestige du passé qui disparaît, emportant avec lui un peu de la magie et de l’âme de Paris.
Mais peut-être est-ce aussi l’occasion de se réinventer, de trouver un nouveau souffle dans ce monde en perpétuelle mutation. Car si les murs disparaissent, le savoir-faire ancestral, lui, ne meurt jamais vraiment. Et c’est peut-être là, dans la transmission et le partage, que se trouve l’avenir de l’artisanat parisien.
Une chose est sûre : la fermeture définitive d’Ultramod laissera un grand vide dans le cœur de tous ceux qui ont un jour poussé la porte de cette mercerie d’un autre temps. Un lieu unique, presque magique, où le temps semblait s’être arrêté. Un petit morceau du vieux Paris qui s’en va, emportant avec lui un peu de notre histoire collective.