Le Royaume-Uni serait-il en passe de devenir une société à deux vitesses ? C’est ce que suggère un rapport alarmant publié ce mardi par l’ONG The Fairness Foundation. Selon l’étude, le pays serait le deuxième plus inégalitaire de l’OCDE en termes de richesses, juste derrière les États-Unis. Un constat préoccupant qui soulève de nombreuses questions sur l’avenir économique et social du royaume.
Un fossé patrimonial abyssal entre riches et pauvres
Les chiffres avancés par le rapport ont de quoi donner le vertige. D’après The Fairness Foundation, la moitié des richesses du pays serait concentrée entre les mains des 10% les plus aisés. Un chiffre qui n’a pas beaucoup évolué ces dernières années en proportion, mais dont l’écart en valeur absolue a littéralement explosé :
En 1980, la richesse totale des ménages britanniques représentait trois fois le revenu national brut. Elle atteint désormais huit fois ce montant.
– extrait du rapport de The Fairness Foundation
Cette hausse vertigineuse est en grande partie due à “l’augmentation considérable de la valeur des actifs”, explique l’ONG. Mais au-delà de la question de l’équité, cet écart patrimonial aurait également des répercussions très concrètes et négatives sur l’économie, la société et même la démocratie du pays.
Des conséquences alarmantes pour l’avenir du pays
Parmi les risques pointés du doigt par le rapport, on retrouve notamment :
- Une perte de productivité et de croissance pour l’économie britannique
- Une montée des tensions et une fragmentation de la cohésion sociale
- Des obstacles à l’atteinte de la neutralité carbone du pays
Autant de défis majeurs qui seraient, selon les auteurs du rapport, largement sous-estimés par les autorités. D’autant que les inégalités devraient continuer à se creuser dans les décennies à venir si rien n’est fait.
Un système fiscal pointé du doigt
Pour The Fairness Foundation, le gouvernement britannique serait même en partie responsable de cette dérive. En cause : un système fiscal qui avantage les revenus du capital par rapport à ceux du travail.
Le système fiscal britannique sous-impose les revenus du patrimoine par rapport aux revenus du travail, assure l’ONG. Cela crée un désavantage injuste pour les personnes qui travaillent par rapport à celles qui génèrent des revenus de leur patrimoine, et réduit considérablement le montant des recettes pour financer les services publics.
– The Fairness Foundation
Pour remédier à ce déséquilibre, le rapport préconise notamment un alignement des taux d’imposition entre revenus du travail et du capital, une mesure qui serait plébiscitée par l’opinion publique selon l’ONG.
Vers un nouveau partage de la valeur ?
Mais au-delà de la redistribution, le rapport propose aussi de repenser plus globalement le partage de la valeur générée dans l’économie. Selon The Fairness Foundation, le système économique britannique encouragerait trop les logiques de rente et de dividendes, au détriment de la création de “nouvelle valeur économique”.
Pour y remédier, les auteurs suggèrent une multiplication des fonds d’investissement publics, afin d’assurer de meilleurs retours sur investissement au plus grand nombre, et d’éviter que seuls les plus fortunés ne profitent de rendements supérieurs à ceux de l’épargnant moyen.
Vers un “État-providence plus généreux” ?
Mais en attendant ces réformes de fond, le Royaume-Uni devra se contenter de “colmater les brèches” via un “État-providence plus généreux”, comme le recommande également le rapport.
Un constat sévère qui devrait interpeller le nouveau locataire de Downing Street, Keir Starmer. Élu triomphalement en juillet dernier, le premier ministre travailliste avait fait de la lutte contre les injustices et les inégalités un axe majeur de sa campagne. Un défi de taille pour celui dont les 100 premiers jours à la tête du pays n’ont pas été de tout repos, entre polémiques, remous au sein de son gouvernement et premières mesures impopulaires.
Mais le chef du gouvernement britannique aura-t-il la volonté et les moyens politiques de s’attaquer à ce défi ? Réponse dans les prochains mois, et les prochains budgets. Une chose est sûre : l’avenir social, économique et démocratique du pays pourrait bien en dépendre.
