C’est un constat qui fait réfléchir sur l’impact réel de la politique de la ville dans les quartiers dits “prioritaires”. Selon une récente étude universitaire, le classement en QPV des collèges situés dans ces zones, où l’État concentre pourtant d’importants moyens depuis 2014, entraînerait paradoxalement une stigmatisation de ces établissements et une explosion de l’évitement scolaire.
Un “effet QPV” qui favorise la fuite des élèves
Manon Garrouste et Miren Lafourcade, chercheuses à l’université Paris-Saclay, ont étudié pour l’Institut des politiques publiques (IPP) les conséquences de la création des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sur les collèges de ces territoires. Leur constat est sans appel : loin de réduire les inégalités comme escompté, cette politique de différenciation territoriale se traduirait par « un effet de stigmatisation très significatif » des collèges publics en QPV, alimentant un phénomène d’évitement scolaire massif.
Selon nos estimations, le classement d’un collège en QPV entraîne une baisse de 9,2% de ses effectifs de 6ème l’année suivante.
expliquent les autrices de l’étude
Des familles qui fuient les “collèges ghetto”
Comment expliquer un tel résultat ? D’après une source proche du ministère de l’Éducation nationale, de nombreuses familles chercheraient à éviter à tout prix les collèges estampillés QPV, assimilés dans l’imaginaire collectif à des “collèges ghetto”. Un phénomène qui toucherait toutes les catégories sociales, y compris les plus modestes.
Beaucoup de parents ont peur que leurs enfants soient tirés vers le bas ou tombent dans la délinquance. Ils utilisent tous les moyens pour les inscrire ailleurs, quitte à mentir sur leur adresse.
confie ce haut-fonctionnaire sous couvert d’anonymat
Une politique de la ville à repenser ?
Face à ces résultats pour le moins contre-intuitifs, certains s’interrogent sur la pertinence même de la géographie prioritaire. Le principal syndicat d’enseignants, le SNES-FSU, y voit la preuve que « la politique de la ville, malgré ses bonnes intentions, produit plus d’effets pervers que de résultats ». Et de plaider pour une réforme en profondeur du dispositif.
Du côté du gouvernement, on se veut plus mesuré. Tout en reconnaissant que l’étude « invite à la réflexion », le ministère de la Ville assure que « les moyens supplémentaires alloués aux QPV portent leurs fruits », citant en exemple la baisse du taux de pauvreté ou l’amélioration des résultats au brevet enregistrées dans plusieurs quartiers ces dernières années. Pas sûr que cela suffise à enrayer la fuite des collégiens.