Des soldats épuisés pendant la guerre du Vietnam, une mère en pleurs durant la Grande Dépression… Ces clichés en noir et blanc, d’un réalisme confondant, envahissent les réseaux sociaux. Problème : ils ont été entièrement générés par une intelligence artificielle. La course à la chasse aux fausses photos historiques est lancée.
Sur les médias sociaux, des comptes à vocation “culturelle” mais aussi de simples internautes partagent massivement ces images censées représenter des moments clés de l’Histoire. Le risque ? Biaiser durablement notre perception du passé, s’inquiètent les experts.
Theodore Roosevelt et les frères Wright comme vous ne les avez jamais vus
Parmi ces fausses archives historiques, on trouve de prétendues photos de personnages illustres dans des situations inédites. Comme Theodore Roosevelt en 1898, souriant au moment de partir pour Cuba lors de la guerre hispano-américaine. Ou encore les frères Wright, pionniers de l’aviation, posant fièrement devant leur avion après le premier vol motorisé en 1903.
Sauf que les vraies photos d’époque des deux ingénieurs les montrent l’air grave, dans un environnement spartiate. Rien à voir avec l’ambiance de célébration dépeinte par l’image IA. Laquelle, malgré des détails troublants de réalisme, comporte des incohérences trahissant sa nature artificielle. À commencer par l’absence d’hélice sur l’avion…
Un “tsunami d’histoire factice” selon les experts
Pour les historiens, c’est une évidence : les IA génératrices d’images comme Midjourney ou Stable Diffusion sont en train de provoquer un “tsunami d’histoire factice”, selon les mots de l’universitaire néerlandaise Jo Hedwig Teeuwisse, qui traque les fausses affirmations historiques en ligne.
Même les photos d’archives les plus connues n’échappent pas à ce phénomène de “retraitement” par IA. Comme les clichés de l’assassinat de Lee Harvey Oswald, présumé tueur du président Kennedy, en 1963 à Dallas. Lesquels ont été reproduits par la machine, avec des variations subtiles mais bien présentes.
Les images IA bientôt indétectables ?
Si pour l’heure, les experts parviennent encore à débusquer les faux grâce à certains défauts récurrents (doigts en trop, détails manquants…), ils redoutent qu’à terme, les progrès de l’IA ne rendent ces images virtuellement impossibles à distinguer de photographies authentiques.
Le risque, c’est qu’avec le temps, ces fausses images altèrent notre compréhension de l’Histoire et affaiblissent la confiance dans la photographie comme source documentaire fiable.
Marina Amaral, artiste spécialiste de la colorisation de photos anciennes
Face à cette menace, la vigilance des internautes sera plus que jamais cruciale pour éviter que notre mémoire collective ne se retrouve polluée par un flot d’archives IA aussi spectaculaires que trompeuses. L’avenir de notre rapport au passé en dépend.