Le gouvernement vient d’annoncer un changement de cap concernant le budget alloué à l’Aide Médicale d’État (AME), un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière résidant en France d’accéder aux soins. Initialement prévu à la hausse pour 2025, ce budget sera finalement gelé. Décryptage de ce revirement.
L’AME, un enjeu budgétaire et politique sensible
L’Aide Médicale d’État permet aux personnes en situation irrégulière et précaire d’accéder à une couverture santé. Ce dispositif, qui concernait fin 2023 près de 466 000 bénéficiaires, représente une part croissante du budget de la santé. Son enveloppe budgétaire devait encore augmenter de 8% en 2025 selon le projet de loi de finances, pour atteindre 1,3 milliard d’euros.
Face aux critiques sur cette hausse, notamment de la part de certains élus du Rassemblement National qui y sont opposés, le gouvernement a décidé de faire machine arrière. Le ministre du Budget Laurent Saint-Martin a confirmé le dépôt prochain d’un amendement visant à geler les crédits de l’AME en 2025.
Un dispositif “préservé” malgré le gel
Si ce gel budgétaire marque un tournant, le ministre assure que l’AME, qu’il qualifie d'”enjeu de santé publique et d’humanité”, sera “préservée”. Une position en décalage avec celle du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, partisan d’une réforme plus profonde remplaçant l’AME par une aide médicale d’urgence aux contours plus restreints.
On avait besoin comme toutes les dépenses de savoir mieux les maîtriser.
– Laurent Saint-Martin, ministre du Budget
Un sujet clivant au sein de la majorité
Au-delà de l’aspect budgétaire, l’AME cristallise des divisions politiques au sein même de la majorité. Si certains plaident pour une restriction de l’accès à ce dispositif, d’autres comme le ministre de la Santé y restent attachés. Ce gel des crédits, s’il est entériné, apparaît comme un compromis entre ces deux lignes.
Reste à voir quel sera l’impact concret de ce gel sur l’accès aux soins des bénéficiaires de l’AME. Si le gouvernement assure que le dispositif ne sera pas remis en cause, une enveloppe budgétaire constante dans un contexte de hausse du nombre de bénéficiaires pourrait mécaniquement réduire la portée de cette couverture santé.
L’AME, révélatrice du débat sur l’immigration
Au-delà des enjeux de santé publique, le débat autour de l’AME met en lumière les clivages politiques sur la question plus large de l’immigration irrégulière. Entre ceux qui y voient un “appel d’air” et ceux qui défendent un principe d’accès aux soins pour tous, le consensus semble encore loin. Ce gel des crédits, s’il est acté, ne mettra pas fin à ces controverses.
Les arbitrages définitifs sur le budget 2025 nous en diront plus sur l’équilibre que compte trouver le gouvernement sur ce sujet hautement sensible. Une chose est sûre : le débat sur l’AME, entre maîtrise des dépenses publiques et devoir d’humanité, est loin d’être clos.