Le célèbre médicament Doliprane, fleuron français produit dans le Calvados, pourrait bientôt passer sous contrôle américain. Une perspective qui inquiète l’exécutif. Face au projet de cession par Sanofi d’une part majoritaire de sa filiale Opella, qui produit le Doliprane, au fonds d’investissement CD&R, le gouvernement hausse le ton. Macron et Bercy exigent des gages pour accepter l’opération.
Les lignes rouges du gouvernement
Lundi matin, les ministres de l’Économie et de l’Industrie, Antoine Armand et Marc Ferracci, se sont rendus dans l’usine Sanofi de Lisieux qui produit le Doliprane. Objectif : rassurer les salariés et poser les conditions de l’État pour accepter la vente d’Opella.
Parmi les exigences : le maintien de la production du Doliprane et d’autres médicaments jugés stratégiques en France, la préservation de l’emploi et du siège social d’Opella dans l’Hexagone, ainsi qu’un volume de production minimum pour éviter les ruptures d’approvisionnement.
Le Doliprane continuera à être produit en France, a promis Antoine Armand. Pas seulement parce que c’est un médicament plébiscité par les Français, mais parce qu’il en va de notre souveraineté.
– Antoine Armand, ministre de l’Économie
Emmanuel Macron est également monté au créneau, rappelant que le gouvernement dispose des « instruments pour garantir que la France soit protégée » dans ce dossier sensible.
Négociations intensives en coulisses
D’après une source proche du dossier, des discussions ont déjà eu lieu entre CD&R et les plus hautes sphères de l’État avant que le fonds ne soit choisi par Sanofi. Elles vont désormais se poursuivre de façon plus formelle.
Bercy compte utiliser tous les outils à sa disposition pour peser, à commencer par la procédure de contrôle des investissements étrangers. Sans autorisation, l’opération ne pourra pas se faire. L’État souhaite aussi signer un accord tripartite avec Sanofi et CD&R, avec à la clé des engagements contraignants.
Des sanctions sont envisagées en cas de non respect, comme le précise le ministre Armand : « y compris des pénalités, mais aussi la possibilité d’une prise de participation publique dans la gouvernance ».
Un équilibre délicat pour l’exécutif
Le gouvernement marche sur une ligne de crête dans ce dossier. Il lui faut obtenir des garanties de la part du repreneur, sans pour autant faire fuir les investisseurs étrangers dont la France a besoin.
CD&R n’est cependant pas considéré comme le pire des candidats par l’exécutif. Déjà présent au capital de plusieurs entreprises tricolores, ce fonds « sérieux » pourrait apporter des perspectives de développement à Opella. C’est en tout cas le pari de Sanofi.
La direction du laboratoire assure que le Doliprane a de beaux jours devant lui à Lisieux, l’usine étant « la plus compétitive au monde » pour produire cet antidouleur star. Mais sous la pression de l’État, elle va devoir le prouver noir sur blanc.