L’exaspération monte chez les enseignants. Jeudi dernier, un professeur d’un lycée de l’Essonne a été violemment agressé par un élève de 16 ans. Un incident de trop pour des équipes éducatives à bout, confrontées à une hausse des violences dans des établissements surchargés. Face à ce malaise grandissant, l’urgence d’agir s’impose.
Coup de sang en Essonne : la goutte d’eau
Lorsque les enseignants du lycée de l’Essouriau aux Ulis ont débrayé ce lundi matin, renvoyant leurs élèves dans la cour, c’était pour dire stop. Stop à la multiplication des incidents violents depuis la rentrée. Le point de rupture : l’agression, jeudi, d’un de leurs collègues par un élève de première, excédé de s’être vu refuser une sortie en plein cours.
Bousculé, le professeur a reçu un coup de tête avant d’essuyer un déluge d’insultes et de menaces. Sous le choc, il a déposé plainte. Son agresseur a été interpellé. Mais pour les équipes, c’est un incident de trop dans un quotidien de plus en plus tendu.
Incivilités à répétition
Car si cette agression physique marque un palier dans la violence, elle s’inscrit dans un climat dégradé, fait d’incivilités à répétition. Insultes lancées à la volée, jets de gomme dans le dos des enseignants, refus provocateurs d’obtempérer… Autant de signaux inquiétants d’une autorité bafouée.
Les élèves n’ont plus peur des conséquences de leurs actes. Quand on les menace d’une punition collective, ils nous répondent que c’est interdit. Et ils ont raison.
– Une enseignante exaspérée
Saturation des effectifs, cocktail explosif
Pour les profs, cette montée des tensions est directement liée à la saturation des effectifs dans l’établissement. En 4 ans, les classes sont passées de 24 à 32 élèves. Un engorgement qui complique la gestion des profils les plus difficiles et attise les frustrations.
On accueille des élèves en grande difficulté, qu’on découvre au fil de l’année faute de suivi. D’autres sont là par défaut, affectés en septembre loin de chez eux. Ils vivent ça comme une injustice, qui nourrit leur agressivité.
– Sylvain Mestdagh, enseignant et élu Snes91
Profs en première ligne, hiérarchie aux abonnés absents
Face à cette poudrière, les enseignants se sentent démunis, livrés à eux-mêmes. Ils pointent une hiérarchie distante, qui tarde à réagir et peine à les épauler quand la situation dérape. Un sentiment d’abandon qui nourrit l’amertume et les envies de reconversion.
On se retrouve en première ligne, sans soutien. On perd notre motivation au fil des années. On ne se sent plus respectés, ni par les élèves, ni par notre ministère. Et ça, pour des salaires qui ne suivent pas. Pas étonnant que de plus en plus songent à se reconvertir.
– Sonia Lambert, co-secrétaire du Snes
Une rentrée sur un volcan
Peur pour leur sécurité, sentiment d’impuissance face à des ados qui ne respectent plus aucune limite, ras-le-bol d’une institution qui rechigne à les soutenir… Pour les enseignants, cette rentrée s’annonce explosive. Dans un contexte de désarroi éducatif, beaucoup redoutent le pire si rien n’est fait pour enrayer l’engrenage.
L’urgence d’un sursaut
Car au-delà du cas de l’Essonne, c’est tout un système qui vacille, miné par des années de sous-investissement et une perte de sens grandissante. Face à ce constat alarmant, l’heure n’est plus aux demi-mesures mais à un véritable électrochoc. Pour redonner aux profs les moyens d’exercer sereinement leur métier. Et aux élèves, l’envie d’apprendre et de grandir dans un cadre apaisé.
Un changement de cap vital pour éviter le naufrage annoncé de notre école. Et la déliquescence accélérée d’une jeunesse en quête de repères. L’avenir du pays en dépend. À nos dirigeants de prendre enfin la mesure de l’enjeu, pour impulser le sursaut tant attendu. Avant qu’il ne soit trop tard.
