Et si le code postal de votre enfant avait un impact direct sur sa santé ? C’est la question qui ressort d’une étude alarmante sur la santé des enfants franciliens selon leur lieu de vie, menée par le Dr Bobette Matulonga. Ses conclusions sont sans appel : les inégalités territoriales ont des conséquences majeures sur la santé bucco-dentaire, l’obésité et même la vue des plus jeunes. Un constat accablant qui appelle à l’action.
Des caries plus fréquentes dans les zones défavorisées
Premier point d’alerte de l’étude : l’état de santé bucco-dentaire des enfants, très variable selon les territoires. « Quand on regarde la cartographie des dentistes, on constate qu’il y en a très peu dans les zones défavorisées », explique le Dr Matulonga. Résultat, les enfants de ces quartiers ont un risque accru de développer des caries, faute d’un suivi régulier.
Un constat corroboré par les chiffres : selon les données de l’Assurance Maladie, le taux de traitement des caries est 2 fois plus faible chez les enfants résidant en Zone Urbaine Sensible (ZUS) que dans les territoires plus aisés. Un écart considérable qui peut avoir des répercussions à long terme sur la santé.
L’obésité, fléau des quartiers populaires
Autre sujet de préoccupation majeure : la prévalence de l’obésité infantile, nettement plus élevée dans les zones défavorisées. D’après les calculs du Dr Matulonga, un enfant vivant en ZUS a 2 à 3 fois plus de risques d’être obèse que la moyenne régionale.
L’environnement joue un rôle clé. L’accès à une alimentation équilibrée et à des activités sportives est plus compliqué dans ces quartiers, avec un impact direct sur le poids des enfants.
– souligne la chercheuse
Sans parler des effets de la précarité sur les comportements alimentaires. « Quand on a un budget serré et qu’on vit dans un petit appartement, difficile de cuisiner des repas sains. On se tourne plus facilement vers la malbouffe », analyse-t-elle. Un cercle vicieux qui favorise la prise de poids.
La vue, autre victime collatérale des inégalités
Dernier volet inquiétant de l’étude : les problèmes de vue, eux aussi plus fréquents dans les zones défavorisées. Selon les estimations, près de 20% des enfants vivant en ZUS souffrent de troubles visuels non corrigés, contre seulement 10% dans les autres territoires.
Là encore, l’accès aux soins est en cause. Les ophtalmologistes sont rares dans ces quartiers et les familles peinent à emmener leurs enfants aux examens de contrôle, entre des horaires décalés et des moyens de transport limités. Avec à la clé, des troubles de la vue non dépistés qui peuvent pénaliser la scolarité.
Agir à la racine pour réduire les inégalités
Face à ce tableau préoccupant, quelles solutions ? Pour le Dr Matulonga, il est urgent d’agir à la source, en renforçant la prévention dans les zones défavorisées. « On ne peut plus se contenter de constater les inégalités, il faut des actions concrètes pour les réduire », martèle-t-elle.
Parmi ses recommandations :
- Déployer des programmes de sensibilisation à la santé dans les écoles des quartiers prioritaires
- Organiser des dépistages gratuits (caries, vue, obésité) au plus près des habitants
- Former les professionnels de santé aux spécificités de ces territoires
- Soutenir les initiatives locales en faveur d’une alimentation saine et d’une activité physique régulière
« Les pouvoirs publics doivent prendre la mesure de l’enjeu et mettre le paquet sur ces zones. C’est une question d’équité et de justice sociale », insiste la chercheuse. Avec en ligne de mire, un objectif ambitieux mais nécessaire : que la santé des enfants ne soit plus une loterie en fonction de leur adresse.
Une prise de conscience s’impose pour enrayer cette spirale inégalitaire et offrir à tous les enfants, quel que soit leur lieu de vie, les mêmes chances de grandir en bonne santé. Le défi est immense, mais les leviers d’action existent. Aux décideurs de s’en saisir, pour bâtir une Île-de-France où la santé ne serait plus un luxe réservé à certains territoires.