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Le ministre de l’Intérieur envisage une nouvelle loi contre l’islamisme politique

Bruno Retailleau soulève l'idée d'une nouvelle loi pénalisant "l'islam politique". La gauche au Sénat dénonce une atteinte aux libertés et une vision à géométrie variable de la laïcité. Le débat promet d'être houleux...

Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a récemment mis sur la table une proposition explosible visant à lutter contre “l’islam politique” en France. Lors de son discours devant les préfets le 8 octobre, il a évoqué la possibilité d’une “nouvelle incrimination pénale” qui s’adapterait à “la nature et aux stratégies de l’islam politique”. Une idée qui ne fait pas l’unanimité, en particulier à gauche.

L’islam politique dans le viseur du gouvernement

Selon Bruno Retailleau, les informations dont dispose le gouvernement témoignent d’une “mutation progressive de la menace”. Il distingue le “séparatisme”, qui cherche à constituer des “contre-sociétés islamistes”, et “l’entrisme”, une stratégie d’influence plus discrète visant à “frériser” ou “hallaliser” la société “par petites touches”. Face à cet “islamisme à bas bruit”, dans lequel excellerait notamment la mouvance des Frères musulmans, l’État devrait franchir une nouvelle étape, juge le ministre.

Une “piste de travail” qui interroge sur la liberté de pensée

Interrogé dans les colonnes du Parisien, Bruno Retailleau précise que cette nouvelle incrimination pénale est pour l’instant une “piste de travail”. Mais elle soulève déjà des questions sur les limites de la liberté de pensée. Le ministre balaie l’objection en affirmant que “la pensée est libre, mais les valeurs de la République ne sont pas négociables”. Une position qui ne convainc pas l’opposition de gauche au Sénat.

“Il y a déjà plein d’outils dans le droit existant”

Pour la sénatrice PS Corinne Narassiguin, cette proposition manque de clarté juridique et risque de piétiner les libertés religieuses. Elle pointe du doigt une “vision à géométrie variable” de la laïcité chez Bruno Retailleau :

Quand il s’agit de crèches catholiques, il n’est pas aussi intransigeant. Il faut faire attention aussi, quand on commence à interpréter la laïcité différemment, selon la religion, on risque de piétiner les libertés religieuses pour toutes les religions.

– Corinne Narassiguin, sénatrice PS

La sénatrice souligne par ailleurs qu’il “y a déjà plein d’outils dans le droit existant” pour lutter contre l’islamisme. “Ce n’est pas la peine de faire de l’agitation avec une nouvelle loi”, tranche-t-elle, accusant le ministre de prendre “ses obsessions pour des réalités”.

La droite sénatoriale sur la même ligne que Retailleau

Sans surprise, le groupe Les Républicains au Sénat, que Bruno Retailleau a présidé, soutient l’idée d’une nouvelle incrimination pénale ciblant l’islam politique. Un soutien partagé, avec quelques nuances, par la centriste Nathalie Goulet, experte des questions de financement du terrorisme. Elle partage le constat du ministre sur le fond, mais tempère sur la nécessité d’une nouvelle loi.

L’écologie demande des chiffres pour “faire la part entre fantasme et réalité”

Chez les écologistes, on s’interroge sur l’ampleur réelle du phénomène dénoncé par le ministre de l’Intérieur. Le sénateur Guy Benarroche estime qu’il faudrait d’abord “savoir de quoi on parle, d’un point de vue quantitatif, pour faire la part entre fantasme et réalité”. Une façon de suggérer que la menace de “l’islam politique” pourrait être surestimée, voire instrumentalisée à des fins politiques.

Si la proposition de Bruno Retailleau devait se concrétiser, nul doute qu’elle susciterait un vif débat sur les équilibres délicats entre sécurité, laïcité et libertés. Un débat qui pourrait s’inviter dans la prochaine campagne présidentielle, le ministre de l’Intérieur étant pressenti pour porter les couleurs de la droite en 2027. D’ici là, sa “piste de travail” promet de faire couler beaucoup d’encre et de salive dans le monde politique.

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