En ces temps troublés où les tensions géopolitiques s’exacerbent aux quatre coins du globe, le prix Nobel de la paix 2024 vient nous rappeler avec force l’impérieuse nécessité de préserver ce que d’aucuns nomment le “tabou nucléaire”. C’est en effet l’organisation japonaise Nihon Hidankyo, qui regroupe les derniers rescapés des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, qui s’est vue décerner la prestigieuse récompense ce vendredi à Oslo. Un choix éminemment symbolique et porteur de sens.
Un prix qui résonne dans l’actualité brûlante
Alors que beaucoup attendaient que le Nobel de la paix soit attribué à l’Office de secours de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, au vu de la guerre qui fait rage depuis un an entre Israël et le Hamas, le comité Nobel a préféré mettre l’accent sur un autre fléau qui menace l’humanité : la prolifération et la modernisation des armes nucléaires.
Car si ce prix peut sembler à première vue éloigné des conflits actuels, il n’en est en réalité rien. Comme l’a souligné le comité dans son communiqué, ce Nobel est “un avertissement” adressé au monde, et en particulier aux puissances nucléaires, afin de les enjoindre à œuvrer au maintien du tabou nucléaire. Une responsabilité qui incombe à tous.
La Russie et la Corée du Nord dans le viseur
Nul doute que ce message est directement destiné à la Russie de Vladimir Poutine, qui a plusieurs fois brandi sans ambages la menace d’un recours à l’arme atomique dans le cadre de sa guerre en Ukraine. Une rhétorique guerrière imitée la semaine passée par le dictateur nord-coréen Kim Jong-un, prêt à dégainer “sans hésiter” son arsenal nucléaire en cas d’attaque. Deux exemples parmi d’autres qui font craindre un affaiblissement de la norme du non-emploi en vigueur depuis 1945.
Les armes nucléaires ne permettent pas de garantir un monde sans conflit.
– Toshiyuki Mimaki, co-responsable de Nihon Hidankyo
L’Iran et son programme nucléaire en question
Au-delà de la Russie et de la Corée du Nord, ce prix Nobel interpelle également l’Iran, soupçonné de chercher à se doter de la bombe atomique sous couvert de programme nucléaire civil. Un dossier brûlant qui inquiète nombre de chancelleries occidentales, Israël en tête. En récompensant les rescapés d’Hiroshima, le comité entend aussi rappeler les ravages humanitaires et écologiques qu’engendrerait inévitablement l’utilisation d’armes de destruction massive.
Un prix dans la lignée de l’héritage du Nobel de la paix
En honorant Nihon Hidankyo, le comité Nobel s’inscrit dans une longue tradition de prix récompensant les efforts en faveur du désarmement nucléaire. On se souvient notamment des Nobel décernés à :
- L’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire en 1985
- La Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) en 2017
Autant de choix guidés par la volonté de promouvoir une culture de paix et de rappeler les risques existentiels que fait peser la menace nucléaire sur l’avenir de l’humanité.
Célébrer les 80 ans d’Hiroshima et Nagasaki
En primant les survivants japonais à la veille de la commémoration des 80 ans des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, le Nobel vient aussi raviver la mémoire de ces tragédies pour mieux en tirer les leçons. Un devoir de vigilance d’autant plus nécessaire à l’heure où, selon les experts du Sipri, les neuf puissances nucléaires mondiales modernisent et étoffent leurs arsenaux.
Le spectre d’une déflagration atomique, avec son cortège de millions de morts et de dégâts environnementaux incalculables, n’a hélas jamais semblé si présent. Face à ce péril, le prix Nobel de la paix 2024 se veut un cri d’alarme afin que le “plus jamais ça” ne reste pas un vœu pieux. Un message vital en ces temps incertains.
