Les Tunisiens ont tranché. Selon un sondage à la sortie des urnes diffusé dimanche soir, le président sortant Kais Saied l’emporte haut la main avec plus de 89% des voix à l’élection présidentielle anticipée. Un triomphe personnel pour cet ancien professeur de droit constitutionnel arrivé au pouvoir en 2019, mais qui soulève de nombreuses questions sur l’avenir politique du pays.
Kais Saied, un président plébiscité mais contesté
Depuis son élection surprise il y a trois ans, Kais Saied n’a cessé de bousculer le jeu politique tunisien. Gel du Parlement, révocation du Premier ministre, gouvernance par décrets… Ses opposants dénoncent une dérive autoritaire remettant en cause les acquis démocratiques de la révolution de 2011.
Mais le chef de l’État tunisien a su garder une forte popularité, notamment auprès des jeunes et des classes défavorisées. Son discours anti-système, sa promesse de “purifier” les institutions et son intégrité affichée séduisent une large part de l’opinion. Comme le montre ce nouveau plébiscite dans les urnes.
Kais Saied a réussi à capter et cristalliser la colère profonde des Tunisiens envers la classe politique.
– Youssef Cherif, analyste politique
Une participation en net recul
Ce triomphe électoral ne doit pas masquer un autre enseignement du scrutin : l’abstention record. Seulement 28% des électeurs se sont déplacés aux urnes, contre 45% au premier tour de la présidentielle de 2019.
Pour de nombreux observateurs, ce désintérêt d’une majorité de Tunisiens pour l’élection témoigne d’une profonde désillusion envers la politique. Chômage de masse, inflation galopante, détérioration des services publics… Beaucoup ne croient plus dans la capacité des urnes à changer leur quotidien.
Les défis de Kais Saied pour son second mandat
Fort de cette légitimité retrouvée, le président Saied va devoir s’attaquer rapidement aux immenses défis qui attendent la Tunisie :
- Relancer l’économie en berne et réduire le chômage, notamment des jeunes
- Rétablir la confiance avec les bailleurs de fonds internationaux comme le FMI
- Remettre de l’ordre dans les finances publiques et juguler l’inflation
- Réformer les institutions et faire fonctionner le nouveau système politique
- Apaiser les tensions politiques et recréer un dialogue avec l’opposition
Kais Saied devra aussi clarifier sa vision pour la “nouvelle république” qu’il appelle de ses vœux. Beaucoup s’interrogent sur la nature du régime qu’il souhaite mettre en place et sur la place qu’y occuperont le Parlement, les partis, la société civile.
Le deuxième mandat de Kais Saied sera décisif. Soit il réussit son pari et ancre la Tunisie dans la démocratie, soit il échoue et ouvre la voie au chaos.
– Slaheddine Jourchi, politologue
Au-delà de la Tunisie, ce scrutin était aussi scruté dans toute la région. Berceau des printemps arabes, le pays reste un laboratoire unique de la transition démocratique dans le monde arabe. De la capacité du président Saied à relever les immenses défis qui l’attendent dépendra en grande partie l’avenir de cette expérience.