Alors que de Rome à Paris, en passant par Berlin, Madrid ou Varsovie, tous les regards sont braqués sur les élections européennes qui se tiendront du 6 au 9 juin prochain, une autre campagne tout aussi cruciale se déroule en coulisses. Ursula von der Leyen, l’actuelle présidente de la Commission européenne, mène un véritable marathon politique à travers l’Europe dans l’espoir d’être reconduite à son poste pour un second mandat de 2025 à 2029.
Un exercice d’équilibriste politique
Mais la tâche s’annonce ardue pour cette ex-ministre d’Angela Merkel, désignée candidate par le Parti populaire européen (PPE) qui rassemble les droites du continent. Car pour l’emporter, Ursula von der Leyen doit non seulement s’assurer que le PPE reste la première force au Parlement européen, mais aussi obtenir le soutien d’au moins 361 des 720 eurodéputés et être nommée par les chefs d’État et de gouvernement à la majorité qualifiée.
Une équation complexe qui la contraint à un véritable numéro d’équilibriste politique. Il lui faut en effet ménager les susceptibilités des uns et des autres, à commencer par les deux poids lourds que sont Emmanuel Macron et Olaf Scholz, tout en composant avec la montée en puissance de Giorgia Meloni en Italie.
Donner des gages sans se compromettre
Pour maximiser ses chances, Ursula von der Leyen s’efforce donc de donner des gages à ses différents soutiens potentiels, sans pour autant se compromettre sur des sujets clivants. Elle soigne particulièrement ses relations avec Paris et Berlin, qui cherchent à imposer leurs priorités à Bruxelles et à placer leurs pions au sein de l’administration communautaire.
Quand elle le peut, elle n’hésite pas à satisfaire les exigences de l’un ou de l’autre. Ainsi, elle serait prête à intégrer un proche d’Emmanuel Macron dans son futur cabinet. Mais sur les dossiers trop sensibles comme le doublement du budget européen pour la défense ou le traitement à réserver à la Chine, Ursula von der Leyen préfère rester prudente pour ne fâcher personne.
Le défi italien
Autre défi de taille pour la présidente sortante : composer avec l’arrivée au pouvoir en Italie de Giorgia Meloni, très critique envers Bruxelles. Là encore, Ursula von der Leyen s’emploie à trouver le bon équilibre, entre fermeté sur les principes et main tendue sur certains dossiers économiques chers à Rome.
C’est un exercice périlleux car elle doit éviter de donner l’impression de céder aux pressions souverainistes, tout en ménageant la troisième économie de la zone euro.
souligne un diplomate européen
Bâtir une majorité au Parlement
Mais le plus grand défi d’Ursula von der Leyen reste de bâtir une majorité au sein du prochain Parlement européen, alors même qu’elle ne peut pas compter sur le soutien inconditionnel de son propre camp politique. Car au sein du PPE, certains ne lui pardonnent pas d’avoir été trop conciliante avec la gauche ou les Verts lors de son premier mandat.
Pour convaincre, elle devra donc puiser dans les réserves de voix des libéraux de Renew Europe, voire d’une partie des sociaux-démocrates et des écologistes. Tout en s’assurant de ne pas s’aliéner sa base à droite de l’échiquier.
Garder un profil rassembleur
Face à ce casse-tête politique, Ursula von der Leyen s’efforce pour l’instant de garder un profil relativement rassembleur et consensuel. Lors de ses déplacements, elle met surtout en avant son bilan, arguant que sous sa houlette, l’UE a su surmonter des crises majeures comme la pandémie de Covid-19 ou la guerre en Ukraine.
Elle veut incarner la stabilité et la continuité dans un monde incertain.
décrypte un eurodéputé PPE
Reste à savoir si cela suffira à convaincre une majorité d’électeurs et d’élus européens de lui confier à nouveau les clés de la Commission. Car au-delà de son bilan et de ses soutiens, c’est aussi sur sa personnalité clivante et son leadership parfois contesté qu’Ursula von der Leyen jouera sa réélection dans les prochaines semaines.
Une chose est sûre : de l’issue de ce scrutin dépendra en grande partie la future ligne politique et les équilibres de pouvoir au sein de l’UE. Un enjeu majeur qui explique pourquoi, en coulisses, la campagne pour la présidence de la Commission est suivie avec autant d’attention que les élections européennes elles-mêmes.