Dans un contexte de durcissement de la politique migratoire, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau vient de remettre en question le rôle des associations intervenant auprès des étrangers retenus dans les centres de rétention administrative (CRA). Une annonce qui suscite de vifs débats, entre enjeux humanitaires et sécuritaires.
Les associations dans le viseur du ministère de l’Intérieur
Actuellement, plusieurs associations sont habilitées à intervenir dans les CRA pour apporter une assistance juridique et un soutien humanitaire aux étrangers en instance d’expulsion. Mais pour Bruno Retailleau, ces missions relèveraient davantage des prérogatives de l’État. Le ministre souhaite ainsi réduire drastiquement la place des associations au sein des 25 CRA que compte le territoire.
Cette volonté s’inscrit dans la lignée des récentes déclarations du ministre, qui avait affirmé vouloir “reprendre le contrôle” sur l’immigration. Selon des sources proches du dossier, l’objectif serait de limiter les recours déposés par les étrangers avec l’aide des associations, et d’accélérer les procédures d’expulsion.
Des associations inquiètes pour les droits des étrangers
Du côté des associations concernées, c’est l’incompréhension et la colère qui dominent. La Cimade, association très active dans les CRA, dénonce une mesure “injuste et dangereuse” :
Priver les étrangers retenus d’accompagnement associatif, c’est bafouer leurs droits fondamentaux. Notre rôle est crucial pour s’assurer du respect des procédures et éviter les dérives. L’État ne peut pas faire cavalier seul sur ces questions.
– Fanette Descamps, responsable CRA à la Cimade
Plusieurs associations craignent qu’en l’absence de regard extérieur, les conditions de rétention ne se dégradent et que les violations des droits ne se multiplient. Elles pointent également le risque d’expulsions expéditives, sans examen approfondi des situations individuelles.
Le gouvernement assume un tournant sécuritaire
Malgré les critiques, le gouvernement assume pleinement ce virage sécuritaire. Pour les soutiens de la majorité, il est temps de “remettre de l’ordre” dans la politique migratoire :
Trop longtemps, nous avons laissé prospérer un business associatif autour des CRA, favorisant les recours abusifs et retardant les expulsions des clandestins. Il faut retrouver de la fermeté tout en garantissant le respect du droit.
– Eric Pauget, député de la majorité
Le gouvernement met en avant la nécessité de mieux maîtriser les flux migratoires et d’appliquer une politique “humaine mais ferme“. Il assure que les droits des étrangers continueront d’être respectés, avec un contrôle maintenu par des agents de l’État formés à cet effet.
Vers un bras de fer politique et judiciaire ?
Les associations n’entendent pas en rester là et promettent de se battre pour défendre leur présence dans les CRA. Certaines envisagent des recours devant les tribunaux administratifs pour contester ce qu’elles considèrent comme une “mise à l’écart” injustifiée.
De son côté, le ministère de l’Intérieur assure que la réforme envisagée est “conforme au droit” et qu’elle sera menée en concertation avec les acteurs concernés. Mais au vu des premières réactions, le dialogue s’annonce tendu.
Cette controverse illustre une nouvelle fois la difficulté à concilier fermeté sur l’immigration irrégulière et respect des principes humanitaires. Un équilibre périlleux sur lequel le gouvernement joue sa crédibilité, sous le feu des critiques de l’opposition de gauche comme de droite.
Au-delà, c’est toute la politique migratoire française qui est questionnée, entre volonté de maîtrise et devoir d’accueil. Un débat complexe et clivant, reflet des tensions qui traversent la société sur ces enjeux identitaires et sécuritaires. Les prochains mois s’annoncent décisifs pour l’avenir des CRA et la place qu’y tiendront les associations.