C’est un véritable cri d’alarme qu’a poussé le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau ce mercredi 2 octobre à l’Assemblée nationale. Face à l’afflux massif et continu de migrants clandestins originaires de l’Afrique des Grands Lacs à Mayotte, l’île française de l’océan Indien se retrouve dans une situation critique. Pour tenter d’endiguer ce phénomène qui gangrène le département depuis des années, le locataire de la place Beauvau a annoncé une série de mesures fortes, dont l’organisation de “vols groupés” dès ce mois-ci pour expulser les ressortissants de République démocratique du Congo (RDC) en situation irrégulière. Une décision radicale qui soulève de nombreuses questions.
Mayotte, l’île française submergée par l’immigration clandestine
Mayotte fait face depuis plusieurs années à une pression migratoire extrêmement forte, principalement en provenance des pays de l’Afrique des Grands Lacs (RDC, Burundi, Rwanda). Des centaines de migrants prennent tous les risques pour rallier clandestinement ce petit territoire français de 350 000 habitants, attirés par l’espoir d’une vie meilleure. Selon les chiffres des autorités, près de la moitié de la population de Mayotte serait aujourd’hui d’origine étrangère, dont une grande partie en situation irrégulière. Une situation explosive qui pèse lourdement sur les infrastructures et les services publics de l’île, déjà fragiles.
Un centre de rétention administrative saturé
Le centre de rétention administrative (CRA) de Mayotte, où sont placés les étrangers en attente d’expulsion, est lui aussi à bout de souffle. Conçu pour accueillir 136 personnes, il en abrite actuellement plus de 200, dans des conditions souvent indignes. C’est pour “vider en partie” ce CRA surpeuplé que Bruno Retailleau a demandé au préfet d’organiser des “vols groupés” vers la RDC, dont sont originaires une grande partie des migrants. Une mesure spectaculaire, qui vise à montrer la détermination du gouvernement, mais qui suscite aussi de vives critiques.
Des associations dénoncent une politique du chiffre
Plusieurs associations de défense des droits humains ont en effet dénoncé cette décision, y voyant une “politique du chiffre” et un manque d’humanité. Elles pointent notamment le fait que beaucoup de ces migrants ont fui des situations de grande détresse et d’insécurité dans leur pays, et s’inquiètent des risques encourus par ceux qui seront renvoyés en RDC.
“Vos bonnes intentions sont notre enfer, mêlez-vous de vos oignons, occupez-vous de vos bassines”
– Estelle Youssouffa, députée de Mayotte
La députée de Mayotte Estelle Youssouffa a quant à elle répliqué vertement à ces critiques, invitant les associations à se mêler de “leurs oignons” et à s’occuper de “leurs bassines”, en référence aux manifestations contre les méga-bassines. Selon l’élue, les Mahorais attendent des actes forts pour mettre fin au chaos migratoire et sécuritaire.
L’hyperviolence, l’autre fléau lié à l’immigration clandestine
Car au-delà de la pression sur les services publics, l’immigration illégale massive s’accompagne d’une montée inquiétante de la délinquance et de l’insécurité. Affrontements entre bandes rivales, trafics en tous genres, agressions d’une violence inouïe… Mayotte vit sous la menace permanente de hordes de jeunes hommes livrés à eux-mêmes, très majoritairement d’origine étrangère selon les autorités.
“Ils ont voulu le démembrer avant de le tuer. Ils ont mis le supplicié sur des tréteaux et le tenaient à plusieurs pour procéder à la découpe”
– Un témoin d’une agression à Mayotte
Les chiffres de la délinquance sont éloquents : en 2020, les vols avec violence ont bondi de 50%, alors que dans le même temps les reconduites à la frontière chutaient de 52% en raison de la crise sanitaire. Un cocktail explosif qui nourrit le désespoir et la colère de la population mahoraise.
Restaurer l’autorité de l’État, une priorité absolue
Face à cette poudrière, le gouvernement se devait d’agir vite et fort. En annonçant l’expulsion prochaine de centaines de clandestins congolais par vols groupés, Bruno Retailleau envoie un message clair : la lutte contre l’immigration illégale est une priorité absolue, et l’État entend restaurer son autorité sur l’île. Mais beaucoup s’interrogent sur l’efficacité réelle de cette mesure, qui risque de donner surtout l’illusion d’agir sans s’attaquer aux racines du mal. Car au-delà des expulsions, c’est une politique globale et de long terme qu’il faudrait mettre en œuvre pour stopper les flux migratoires, sécuriser les frontières et donner un avenir aux jeunes Mahorais. Un défi immense pour ce petit territoire oublié de la République.