ActualitésSociété

Le Conseil d’État octroie le statut de réfugié à un délinquant sexuel

Le Conseil d'État accorde le statut de réfugié à un Algérien condamné pour agression sexuelle sur mineur. Une décision qui fait polémique et soulève des questions sur les critères d'octroi de ce statut protecteur. Enquête sur les dessous d'un dossier sensible...

Une décision du Conseil d’État fait grand bruit et soulève des interrogations. La haute juridiction administrative a en effet confirmé l’octroi du statut de réfugié à un ressortissant algérien, pourtant condamné en France pour agression sexuelle sur mineur. Un cas emblématique qui met en lumière les subtilités et les limites du droit d’asile.

Retour sur les faits : de la condamnation à la demande d’asile

Medhi F., ressortissant algérien, a été condamné en juillet 2019 par la justice française à une peine de 4 ans de prison ainsi qu’à une interdiction du territoire pour avoir agressé sexuellement un mineur de 15 ans. Un an plus tard, il dépose malgré tout une demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

L’Ofpra rejette sa requête, invoquant le code de l’entrée et du séjour des étrangers qui permet de refuser le statut de réfugié à une personne condamnée en France pour un crime ou un délit grave et dont la présence constitue une menace. Mais Medhi F. ne s’arrête pas là et saisit la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

Le raisonnement de la CNDA : une menace non caractérisée

Contre toute attente, en 2023, la CNDA annule la décision de l’Ofpra et reconnaît à Medhi F. la qualité de réfugié. Si elle ne conteste pas la condamnation, elle estime en revanche que la menace grave pour la société française n’est pas établie à la date de sa décision.

Pour motiver son jugement, la Cour relève que le requérant :

  • S’est volontairement engagé dans des soins et des démarches de réinsertion dès le début de sa détention
  • A obtenu en 2021 le relèvement judiciaire de son interdiction du territoire
  • Exprime des regrets et une volonté de s’insérer
  • Bénéficie d’un suivi psychiatrique qui écarte le risque de récidive selon un expert

Le Conseil d’État confirme la lecture de la CNDA

Saisi à son tour par l’Ofpra, le Conseil d’État valide l’analyse de la CNDA. Les juges du Palais Royal confirment que le code exige bien la réunion cumulative de 2 conditions pour refuser le statut de réfugié :

  1. Une condamnation pour un crime ou un délit grave
  2. Une menace réelle et actuelle pour la société française

Or, au vu des éléments rassemblés par Medhi F. pour prouver sa volonté de réinsertion et l’absence de risque de récidive, le Conseil d’État considère que la 2e condition n’est pas remplie dans son cas. L’octroi du statut de réfugié est donc confirmé.

Une décision qui interpelle et divise

Cette décision ne manque pas de faire réagir et d’alimenter le débat sur les conditions d’accès à la protection internationale. Certains s’insurgent qu’une personne condamnée pour des faits aussi graves puisse bénéficier de ce statut, quand bien même sa dangerosité immédiate ne serait pas avérée.

C’est incompréhensible pour les victimes et cela envoie un mauvais signal à la société. Le statut de réfugié ne peut pas être une façon d’effacer une condamnation pénale !

réagit une association d’aide aux victimes.

D’autres au contraire, saluent une décision équilibrée qui évalue au cas par cas la situation et laisse une chance à la réinsertion quand celle-ci paraît engagée. C’est la ligne défendue par les associations de défense du droit d’asile.

Commettre un crime, même grave, ne doit pas priver à vie d’une protection contre les persécutions dans son pays. Le droit d’asile repose sur des critères précis qui ne peuvent être écartés de façon automatique.

plaide un responsable de la Cimade.

Une chose est sûre, ce dossier montre toute la complexité du droit d’asile confronté à l’impératif de sécurité publique. Il illustre la difficulté de trouver le juste équilibre entre protection des personnes menacées et lutte contre la délinquance et la récidive, sans jamais sacrifier l’un à l’autre. Un dilemme que les juges sont régulièrement amenés à trancher.

Reste à savoir si le cas de Medhi F. fera jurisprudence et incitera d’autres demandeurs d’asile au lourd passé pénal à contester un refus de l’Ofpra, avec de nouvelles chances de succès. Nul doute en tout cas que la décision du Conseil d’État, qui s’impose à tous, sera scrutée et commentée.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.