C’est un constat alarmant que dressent les professeurs, du primaire au supérieur : le niveau de langue des élèves français est en chute libre. Copies truffées de fautes, syntaxe bancale, vocabulaire appauvri… Les enseignants peinent de plus en plus à comprendre les écrits de leurs élèves, et s’inquiètent des conséquences de ce déclin pour l’avenir.
Un français de plus en plus approximatif
Oubliée, la langue de Molière ? Force est de constater que la maîtrise du français écrit n’est plus ce qu’elle était. Selon une étude menée par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), 27% des élèves de CM2 ne maîtrisent pas les compétences de base en français. Un chiffre qui grimpe à 40% pour les élèves issus de milieux défavorisés.
On voit arriver au collège des élèves qui ne savent pas faire une phrase, qui ne comprennent pas ce qu’ils lisent. C’est catastrophique.
– Céline, professeure de français en collège
Et le problème ne fait que s’accentuer avec les années. Au lycée, les lacunes persistent, handicapant lourdement les élèves dans leur scolarité. Les Misérables de Victor Hugo ou L’Étranger d’Albert Camus deviennent des textes obscurs pour une partie des lycéens, incapables d’en saisir les subtilités faute de bases solides.
L’université face à l’illettrisme
Mais c’est sans doute à l’université que le constat est le plus criant. Les professeurs se retrouvent face à des copies qu’ils peinent à déchiffrer, tant l’orthographe et la grammaire y sont malmenées. Dans certaines filières, c’est jusqu’à 10% d’une classe d’étudiants qui peut être considérée en situation de quasi-illettrisme selon Marc Coulon, enseignant-chercheur.
Je n’ose même plus demander de dissertations, car je sais que je vais passer plus de temps à essayer de comprendre ce que les étudiants ont voulu dire qu’à évaluer leur réflexion.
– Aude Denizot, professeure de droit
Un cercle vicieux difficile à enrayer
Comment expliquer ce déclin ? Les raisons sont multiples. Évolution de la société, place croissante du numérique, baisse du niveau d’exigence… Chacun a sa théorie. Mais une chose est sûre : enrayer cette spirale n’est pas chose aisée.
Depuis des années, l’Éducation nationale multiplie les réformes et dispositifs de soutien, sans grand succès. La tentation est forte de revoir les programmes à la baisse pour s’adapter au niveau réel des élèves. Mais pour beaucoup d’enseignants, ce serait une erreur.
On ne peut pas sacrifier les savoirs sur l’autel de l’accessibilité. Notre rôle est d’élever les élèves, pas de nous abaisser à leur niveau.
– François, professeur de philosophie en lycée
Revaloriser la maîtrise de la langue
Pour stopper l’hémorragie, il faudrait sans doute une prise de conscience collective. Redonner ses lettres de noblesse à la langue française, valoriser l’écrit sous toutes ses formes, encourager la lecture… Autant de pistes qui pourraient contribuer à inverser la tendance.
Certains appellent à une refonte en profondeur de l’enseignement du français, avec un accent mis sur la pratique plutôt que sur la théorie. D’autres misent sur le retour de méthodes éprouvées, comme la dictée quotidienne. Une chose est sûre : il y a urgence à agir pour ne pas voir la langue de Molière sombrer définitivement dans les affres de l’approximation.
Des initiatives encourageantes
Heureusement, les initiatives se multiplient pour tenter d’enrayer le phénomène. Concours d’éloquence, ateliers d’écriture, clubs de lecture… De nombreux établissements misent sur des projets innovants pour réconcilier les élèves avec la langue française.
Des associations s’engagent aussi sur le terrain, à l’image de Lire et faire lire, qui organise des séances de lecture dans les écoles avec des bénévoles retraités. Ou encore de la Dictée pour tous, qui propose chaque année à des milliers de participants de plancher sur un texte inédit.
Autant d’initiatives qui redonnent espoir et montrent que la bataille pour la sauvegarde du français n’est pas perdue. À condition que tous, parents, enseignants, élèves, prenions notre part dans ce combat essentiel. Car c’est bien l’avenir de notre langue, et à travers elle de notre culture, qui se joue aujourd’hui dans les salles de classe.