En ce jour d’indépendance, la Géorgie se retrouve plus que jamais écartelée entre son désir de liberté et l’emprise de son encombrant voisin russe. L’adoption récente d’une loi sur les financements étrangers, calquée sur le modèle moscovite, a fait descendre des milliers de Géorgiens dans les rues de Tbilissi. Que révèle cette crise sur les relations complexes entre ces deux pays du Caucase ?
Une loi qui divise la société géorgienne
Depuis le 15 avril, la Géorgie est secouée par un mouvement de contestation sans précédent. En cause : l’adoption d’une loi visant à encadrer les financements étrangers des ONG, sur le modèle de celle en vigueur en Russie. Pour beaucoup, ce texte controversé représente une tentative de Moscou de restreindre l’autonomie de son ancien territoire. D’autant que la Russie occupe toujours 20% du territoire géorgien depuis la guerre de 2008.
La population vit avec un rejet de la Russie, ainsi que la hantise d’un nouveau conflit avec le puissant voisin.
– Florent Parmentier, chercheur au CEVIPOF
Une société traumatisée par les conflits
Comme l’explique le politologue Florent Parmentier, auteur d’un ouvrage sur les pays situés entre Europe et Russie, les Géorgiens gardent en mémoire les guerres de 1991 et 2008. Cette hantise d’une nouvelle confrontation avec Moscou imprègne la vie politique et sociale. La loi sur les financements étrangers ravive ces peurs, en donnant l’impression d’un “forçage inspiré par Moscou“.
Une influence russe paradoxale
Pourtant, malgré ce rejet, la Russie conserve une place importante en Géorgie :
- Premier partenaire commercial, avec 13% des importations
- Destination pour de nombreux travailleurs géorgiens
- Liens culturels et familiaux tissés pendant la période soviétique
Cette influence paradoxale complique la tâche des autorités, écartelées entre la nécessité de ménager le puissant voisin et la volonté d’ancrer le pays à l’Ouest. L’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN reste ainsi un objectif stratégique, malgré les pressions de Moscou.
Quel avenir pour la Géorgie ?
En cette fête de l’indépendance, l’avenir de la Géorgie apparaît plus incertain que jamais. Si la loi controversée a finalement été retirée face à la contestation populaire, elle a révélé les profondes fractures qui traversent la société. Entre volonté d’émancipation et poids de l’héritage russe, le chemin vers une véritable souveraineté s’annonce encore long et semé d’embûches pour ce petit pays du Caucase.