Le président russe Vladimir Poutine a annoncé mercredi une révision de la doctrine nucléaire de son pays. Cette annonce intervient alors que la tension est à son comble dans le contexte de la guerre en Ukraine et des offensives menées par Kiev. Mais quelles sont les principales évolutions de cette doctrine et quelles en sont les implications sur le risque d’emploi de l’arme atomique? Éléments de réponse avec Héloïse Fayet, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
Trois évolutions majeures de la doctrine nucléaire russe
La nouvelle doctrine nucléaire russe, présentée oralement par Vladimir Poutine, comporte trois changements principaux par rapport à la version précédente datant de 2020 :
- Le renforcement des liens avec la Biélorussie : désormais, toute attaque contre ce pays allié de Moscou sera considérée comme une attaque contre la Russie elle-même.
- La riposte contre un État nucléaire en cas d’attaque d’un de ses alliés : si un État non-nucléaire attaque la Russie avec le soutien d’une puissance nucléaire, Moscou pourrait riposter contre cette dernière.
- La riposte en cas d’attaque aérienne de grande ampleur : une offensive majeure contre le territoire russe par voie aérienne pourrait susciter une réponse nucléaire.
Ces évolutions semblent élargir le champ des possibilités d’emploi de l’arme nucléaire par la Russie. Néanmoins, pour Héloïse Fayet, « ce processus n’a pas de corrélation directe avec l’offensive ukrainienne à Koursk », région russe frontalière où des combats ont lieu actuellement.
Un risque nucléaire inchangé malgré la rhétorique guerrière
Si la rhétorique de la nouvelle doctrine apparaît plus agressive, dans les faits, « le risque d’emploi de l’arme nucléaire n’est pas plus élevé qu’avant » selon la chercheuse de l’IFRI. En effet, la Russie avait déjà prévenu par le passé qu’elle pourrait recourir à l’arme atomique en cas d’attaque existentielle contre elle, que ce soit par des moyens conventionnels ou nucléaires.
La doctrine est une chose, son interprétation et sa mise en œuvre en sont une autre.
Héloïse Fayet, chercheuse à l’IFRI
De plus, cette révision doctrinale intervient dans un contexte de tensions accrues aux frontières occidentales de la Russie. Le Kremlin cherche à envoyer un message dissuasif fort à l’Ukraine et à ses soutiens occidentaux, sans pour autant franchir la ligne rouge d’un emploi effectif de l’arme nucléaire.
Une doctrine qui reste à préciser et à officialiser
La nouvelle doctrine nucléaire russe a été présentée oralement par Vladimir Poutine. Elle devra maintenant être rédigée puis publiée officiellement par décret présidentiel, comme ce fut le cas pour la précédente version en 2020. D’ici là, des modifications pourraient encore y être apportées.
Il faudra donc attendre la publication de la version définitive de ce texte stratégique pour en analyser toutes les subtilités et en mesurer pleinement la portée. Une chose est sûre : dans le contexte actuel de haute tension, chaque mot comptera et sera scruté avec la plus grande attention par les chancelleries du monde entier.
En attendant, si la révision de la doctrine nucléaire russe reflète une posture plus agressive de Moscou, elle ne semble pas pour autant faire basculer le monde dans un risque accru d’apocalypse atomique. Un constat rassurant, mais qui ne doit pas occulter la nécessité de tout mettre en œuvre pour faire baisser la tension et trouver une issue diplomatique au conflit ukrainien.