Le Sri Lanka vient de vivre un événement politique majeur : l’élection d’Anura Kumara Dissanayake, un marxiste de 55 ans, à la présidence du pays. Cette victoire surprise reflète le désir profond de changement d’une société sri-lankaise éprouvée par des années de crise économique et politique. Mais qui est vraiment ce nouveau président atypique, et quels défis l’attendent ?
Un marxiste à la tête du Sri Lanka
Anura Kumara Dissanayake n’est pas un inconnu au Sri Lanka. Figure de proue du JVP, le parti nationaliste d’extrême-gauche, il s’est fait connaître comme un opposant virulent aux gouvernements successifs. Mais c’est surtout en tant que candidat du NPP, une alliance hétéroclite de mouvements citoyens et syndicaux, qu’il a réussi à fédérer les espoirs de changement.
Avec 42% des voix, Dissanayake devance nettement ses principaux rivaux, dont Sajith Premadasa, le chef de l’opposition parlementaire. Un résultat qui en dit long sur l’aspiration des Sri-Lankais à tourner la page des élites traditionnelles, rendues responsables de la faillite du pays.
Le NPP se présente comme une organisation incorruptible, dotée d’une culture politique transparente.
– Anura Kumara Dissanayake
Un programme de rupture
Le nouveau président ne compte pas se contenter d’un simple ravalement de façade. Il promet une refonte en profondeur des institutions, avec une nouvelle constitution qui sera soumise à référendum. L’objectif : en finir avec le système présidentiel, accusé de concentrer les pouvoirs et de favoriser la corruption.
Mais c’est surtout sur le plan économique que Dissanayake entend imprimer sa marque. Tout en se disant prêt à respecter les engagements internationaux du Sri Lanka, il veut renégocier le plan de sauvetage conclu avec le FMI. Un plan qui prévoit de douloureuses mesures d’austérité en échange d’une aide financière vitale.
Nous ne pouvons pas accepter un programme qui aggrave la crise au lieu de la résoudre.
– Anura Kumara Dissanayake
Des défis immenses
La tâche qui attend le nouveau président est colossale. Le Sri Lanka reste englué dans une crise économique sans précédent, avec une dette écrasante, une inflation galopante et des pénuries à répétition. Sans compter les tensions communautaires qui continuent de miner le pays, 13 ans après la fin de la guerre civile.
Pour s’attaquer à ces défis, Dissanayake devra composer avec un parlement où son alliance reste minoritaire. Il lui faudra aussi rassurer les créanciers et investisseurs étrangers, inquiets de sa rhétorique anti-impérialiste. Un numéro d’équilibriste périlleux pour ce président pas comme les autres.
Un espoir pour la gauche radicale ?
Au-delà du Sri Lanka, l’élection de Dissanayake a valeur de symbole. Dans une Asie du Sud où la gauche radicale peine à exister, sa victoire montre qu’une alternative aux partis traditionnels est possible. De quoi donner des idées à d’autres mouvements contestataires dans la région.
Mais attention à ne pas tirer de conclusions hâtives. Le Sri Lanka reste un cas à part, marqué par une histoire et des dynamiques qui lui sont propres. Et il faudra juger Dissanayake sur ses actes, pas seulement sur ses promesses. Une chose est sûre : son quinquennat ne sera pas de tout repos.
L’élection d’Anura Kumara Dissanayake ouvre une nouvelle page de l’histoire tourmentée du Sri Lanka. Porteur des espoirs et des colères d’une société à bout de souffle, ce président atypique aura fort à faire pour redresser le pays et le réconcilier avec lui-même. Un défi immense, à la hauteur des attentes suscitées par son irrésistible ascension.
