La nomination de Didier Migaud au poste de garde des Sceaux le 20 juillet dernier a suscité beaucoup d’attentes au sein du monde judiciaire. Et pour cause : l’ancien président de la Cour des comptes hérite d’une institution judiciaire en souffrance, minée par des années de sous-investissement chronique et confrontée à des défis majeurs. Tour d’horizon des principaux chantiers qui attendent le nouveau locataire de la place Vendôme.
Un budget 2025 déjà amputé
Première mauvaise nouvelle pour Didier Migaud : le budget 2025 de la justice, pourtant voté en grande pompe il y a moins d’un an, a d’ores et déjà été revu à la baisse par Bercy. Exit les 10,7 milliards d’euros promis, l’enveloppe est ramenée à 10,2 milliards, soit un demi-milliard de moins que prévu. Un coup dur pour le ministère, dont la progression budgétaire sera quasiment nulle par rapport à 2024. Conséquence directe : les recrutements programmés seront revus à la baisse, compromettant un peu plus le bon fonctionnement d’une institution déjà exsangue.
«Ce sera sans doute la plus petite hausse depuis les années Taubira. »
Un connaisseur des finances publiques
Des prisons toujours plus surpeuplées
Avec un taux d’occupation moyen de 120%, les prisons françaises figurent parmi les plus surpeuplées d’Europe. Une situation intenable, régulièrement dénoncée par les autorités européennes, qui expose les détenus à des conditions de détention indignes et compromet tout effort de réinsertion. Malgré des années de plans et de lois successives, le problème persiste, faute de moyens suffisants alloués aux programmes immobiliers pénitentiaires. Un chantier prioritaire pour le nouveau garde des Sceaux, qui devra négocier des rallonges budgétaires conséquentes pour espérer inverser la tendance.
Endiguer la délinquance des mineurs
Autre défi de taille : la hausse préoccupante de la délinquance juvénile. Selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur, les mineurs représentaient en 2022 près de 18% des mis en cause, contre 15% dix ans plus tôt. Face à ce phénomène, la justice des mineurs apparaît débordée et en manque criant d’effectifs, avec des délais de prise en charge toujours plus longs. Didier Migaud devra là aussi obtenir des moyens supplémentaires, tout en impulsant une réforme en profondeur de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante, vieille de près de 80 ans.
Muscler la lutte contre le narcotrafic
Enfin, le nouveau ministre s’attaquera à l’épineuse question du narcotrafic, qui gangrène de nombreux quartiers et alimente une délinquance de plus en plus violente. Malgré les coups de filet à répétition, les trafiquants s’adaptent et les « points de deal » se reconstituent, démontrant les limites d’une approche essentiellement répressive. Au-delà du volet pénal, Didier Migaud devra donc imaginer une stratégie globale associant prévention, réinsertion, accompagnement social des populations les plus vulnérables. Un véritable défi quand on connaît la frilosité des gouvernements successifs à s’engager sur ce terrain.
Une feuille de route particulièrement dense attend donc le nouveau garde des Sceaux, qui devra faire preuve de créativité et de pugnacité pour redresser une institution judiciaire à bout de souffle. Mais au-delà des moyens, Didier Migaud devra surtout réussir à redonner du sens à une justice trop souvent perçue comme déconnectée et inefficace par nos concitoyens.
«Il y a urgence à remettre la justice au centre du pacte républicain. »
Didier Migaud, nouveau garde des Sceaux
Un chantier de longue haleine pour lequel il faudra plus qu’un simple effort budgétaire. Mais une nécessité absolue pour restaurer la confiance dans notre système judiciaire et plus largement, dans nos institutions démocratiques. Gageons que Didier Migaud, fort de son expérience à la tête de la Cour des Comptes, saura impulser les réformes nécessaires pour relever ce défi. L’avenir de notre justice, et au-delà de notre société, en dépend.