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Éric Dupond-Moretti : le parcours d’un garde des Sceaux combatif

Éric Dupond-Moretti quitte le ministère de la Justice après 4 années intenses. Retour sur le parcours houleux mais réformateur de celui qui fut le garde des Sceaux le plus détesté et le plus longtemps en poste sous Macron. Quel bilan tirer de son action ?

Nommé par surprise garde des Sceaux en juillet 2020, Éric Dupond-Moretti quitte le ministère de la Justice après quatre années intenses et controversées. Personnage clivant, adoré par certains, détesté par beaucoup de magistrats, “Acquittator” aura marqué la Place Vendôme de son empreinte.

Un ministre qui n’a pas fait l’unanimité

Le célèbre pénaliste ne partait pas gagnant en acceptant de devenir le chef d’une institution – la magistrature – qu’il avait maintes fois critiquée, voire vilipendée, durant sa carrière d’avocat. Sa nomination a immédiatement été vécue comme une provocation par les juges.

Nommer Dupond-Moretti à la Justice, c’est comme nommer un pyromane à la tête des pompiers.

– Céline Parisot, présidente de l’Union syndicale des magistrats

Tout au long de son mandat, les relations sont restées exécrables entre le garde des Sceaux et les magistrats, qui lui reprochaient son “mépris”, son “arrogance” et son “autoritarisme”. Une défiance qui a atteint son paroxysme lorsque Éric Dupond-Moretti a lui-même été mis en examen en 2021 pour “prise illégale d’intérêts”, soupçonné d’avoir profité de ses fonctions pour régler ses comptes avec des magistrats.

Un procès inédit pour un ministre en exercice

C’était du jamais vu sous la Ve République : un ministre en fonction jugé par la Cour de justice de la République. Mais contre toute attente, Éric Dupond-Moretti a été acquitté en juillet 2023. Une victoire pour celui qui a toujours clamé son innocence et dénoncé un “procès politique”.

Tensions et passes d’armes à l’Assemblée

Orateur redoutable, le ministre n’a eu de cesse de croiser le fer avec les députés de l’opposition lors des débats parlementaires. Ses coups de sang et répliques cinglantes ont régulièrement enflammé l’hémicycle, lui valant des rappels à l’ordre et l’inimitié tenace de LFI et du RN.

Un bilan judiciaire en demi-teinte

En dépit des polémiques, Éric Dupond-Moretti est parvenu à mener plusieurs réformes d’ampleur de la justice durant son mandat :

  • Loi pour la confiance dans l’institution judiciaire (2022)
  • Code de la justice pénale des mineurs (2021)
  • Loi contre les violences sexuelles sur mineurs (2021)
  • Réforme de la justice de proximité

Mais ces avancées peinent à faire oublier les maux chroniques dont continue de souffrir la justice française : sous-financement, manque de moyens humains, lenteur des procédures, surpopulation carcérale… Autant de défis non résolus laissés à son successeur.

États généraux de la justice : des annonces en deçà des attentes

Consultation inédite visant à “restaurer la confiance” dans la justice, les États généraux organisés fin 2021 n’ont pas eu les effets escomptés. Les annonces faites à leur issue par le garde des Sceaux (recrutements, simplifications procédurales…) ont été jugées insuffisantes par les syndicats et les professionnels du droit.

Une justice malade à laquelle on prescrit de l’aspirine.

– Me Estellia Araez, présidente du Syndicat des avocats de France

Quel héritage pour la justice française ?

Malgré un contexte difficile, Éric Dupond-Moretti a réussi le tour de force de s’imposer et de durer à un poste éjecteur. Mais au-delà de son bilan législatif, c’est surtout son style volcanique et son positionnement atypique qui resteront dans les mémoires. Avec lui, la fonction de ministre de la Justice n’a pas été un long fleuve tranquille.

Haï par la plupart des magistrats, qui ont eu l’impression d’être méprisés et maltraités, il pourrait paradoxalement leur manquer. Sa pugnacité, sa liberté de ton et son poids politique auront eu le mérite de mettre en lumière l’institution judiciaire comme rarement auparavant sous la Ve République. De quoi susciter, peut-être, une prise de conscience sur la nécessité de réformer en profondeur notre système judiciaire.

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