C’est un séisme qui secoue le monde du luxe et de la grande distribution. Mohamed Al-Fayed, l’ancien sulfureux propriétaire des grands magasins Harrods à Londres, est accusé de violences sexuelles par pas moins de 37 femmes. Les faits se seraient déroulés durant les années où l’homme d’affaires égyptien était à la tête de l’enseigne, rachetée en 2010 par le fonds souverain du Qatar.
La parole se libère, des dizaines de victimes présumées
Lors d’une conférence de presse choc organisée à Londres ce vendredi, les avocats des plaignantes ont annoncé leur intention d’intenter une action en justice au civil contre Harrods. Parmi eux, la célèbre avocate américaine Gloria Allred, spécialisée dans la défense des victimes d’agressions sexuelles.
L’heure de la justice est arrivée.
Gloria Allred, avocate des plaignantes
Les témoignages glaçants se sont succédés, décrivant un environnement de travail toxique où le harcèlement et les abus sexuels étaient monnaie courante. Beaucoup ont raconté avoir subi des attouchements, des agressions, voire des viols, de la part de Mohamed Al-Fayed ou de ses proches collaborateurs.
Harrods épinglé pour son inaction
Au-delà de la responsabilité individuelle de Mohamed Al-Fayed, c’est tout le management de Harrods qui est pointé du doigt. Selon Me Armstrong, l’un des avocats, il y a eu un manquement “abject” à la responsabilité d’entreprise de la part de l’enseigne, qui aurait fermé les yeux sur ces agissements pendant des années.
- Les plaintes et signalements de plusieurs employées auraient été ignorés
- Aucune mesure n’aurait été prise pour protéger les victimes et sanctionner les coupables
- La culture d’entreprise aurait cautionné et couvert ces violences sexuelles systémiques
Une action en justice inédite contre Harrods
Si Mohamed Al-Fayed, décédé en août dernier, ne pourra plus être poursuivi, les avocats comptent bien obtenir réparation auprès de Harrods et de ses nouveaux propriétaires qataris. Une telle action pourrait faire jurisprudence et contraindre les entreprises à davantage de vigilance sur ces questions.
Sollicité, le grand magasin s’est refusé à tout commentaire, indiquant seulement collaborer avec la justice. Mais l’affaire risque de ternir durablement l’image de ce temple du luxe, et d’ouvrir une réflexion au sein d’un secteur encore souvent gangrené par le sexisme et la prédation.
Car au-delà du cas Al-Fayed, c’est bien la question de l’impunité des puissants et du silence imposé aux victimes qui est posée. Dans le sillage de #MeToo, de plus en plus de femmes osent parler et dénoncer leur calvaire. Pour que de Harvey Weinstein au magasin Harrods, il n’y ait plus de zone de non-droit.