C’est une déclaration qui a choqué l’opinion publique et soulevé l’indignation. Lors d’une interview accordée à la BBC le 10 septembre dernier, Louis Bonnet, le maire DVD de Mazan, s’est exprimé sur le procès des viols qui secoue actuellement sa commune, où comparaissent 51 accusés aux côtés de Dominique Pelicot, un retraité de 71 ans accusé d’avoir drogué et violé sa femme Gisèle pendant près de dix ans, et de l’avoir livrée à des inconnus.
Des propos minimisant le traumatisme des victimes
Interrogé sur l’ampleur de l’affaire et le traumatisme vécu par les victimes, Louis Bonnet a tenu des propos pour le moins choquants :
Cela aurait pu être plus grave. Aucun enfant n’est impliqué. Aucune femme n’a été tuée. Ça va être difficile pour eux mais la famille peut se reconstruire. Après tout, personne n’est mort.
– Louis Bonnet, maire de Mazan
Des paroles qui ont immédiatement suscité un tollé sur les réseaux sociaux. La Fondation des Femmes a notamment réagi sur Twitter :
Si la culture du viol pouvait parler, elle prendrait la voix du maire de Mazan.
– Fondation des Femmes
Des femmes politiques comme Sandrine Rousseau ou Clémentine Autain ont également dénoncé ces propos. Une pétition demandant la démission de Louis Bonnet circule et a déjà recueilli plusieurs milliers de signatures.
Le spectre de la culture du viol
Au-delà de l’indignation suscitée, cette polémique illustre la persistance d’une certaine culture du viol dans la société. En minimisant le traumatisme des victimes sous prétexte que “personne n’est mort”, Louis Bonnet perpétue l’idée que le viol ne serait pas si grave, et qu’il existerait une hiérarchie dans les crimes sexuels, avec des viols “plus ou moins acceptables”. Une rhétorique malheureusement encore trop répandue.
Cette affaire soulève aussi la question de la prise en charge des victimes. Car si Gisèle Pelicot et sa famille devront effectivement “se reconstruire”, comme le souligne Louis Bonnet, ce processus sera long et douloureux. Il nécessitera un accompagnement psychologique sur le long terme, qui fait trop souvent défaut.
Le malaise du village de Mazan
Les propos du maire illustrent aussi le malaise du village de Mazan, brutalement projeté sous les projecteurs depuis le début de ce procès hors norme. Louis Bonnet a expliqué vouloir montrer que Mazan n’était pas un “village de violeurs mais un village paisible”. Une volonté compréhensible mais maladroitement exprimée.
Car le déni ou la minimisation ne sont jamais une bonne réponse face à des crimes aussi graves. Au contraire, il est essentiel que les victimes se sentent entendues, crues et soutenues. C’est tout le sens de la libération de la parole enclenchée par le mouvement #MeToo.
Un procès hors norme
Rappelons que le procès des viols de Mazan est exceptionnel par son ampleur, avec pas moins de 51 accusés aux côtés de Dominique Pelicot, le mari de Gisèle. Selon l’accusation, ce retraité aurait drogué son épouse avec des anxiolytiques pendant des années pour abuser d’elle mais aussi la livrer à des inconnus contactés sur des sites libertins.
Dominique Pelicot a reconnu une partie des faits, avançant une « addiction au sexe ». Ses avocats plaident des “troubles de la personnalité” et demandent une expertise psychiatrique. De leur côté, la plupart des autres accusés nient avoir eu connaissance de l’état de Gisèle Pelicot, qu’ils pensaient consentante.
Ce procès, qui devrait durer plusieurs semaines, s’annonce complexe et éprouvant pour toutes les parties. Il soulève de nombreuses questions : sur le consentement, le viol conjugal, les responsabilités de chacun, la reconstruction des victimes… Autant de sujets de société qu’il sera essentiel d’aborder avec sérieux et respect. Loin des déclarations polémiques et déplacées comme celles du maire de Mazan.