La Martinique, île française des Caraïbes, est actuellement secouée par une vague de violences urbaines sans précédent. Depuis début septembre, la colère gronde dans les rues de Fort-de-France, chef-lieu de l’île, sur fond de contestation contre la vie chère. Face à l’escalade des tensions, le préfet Jean-Christophe Bouvier a annoncé mercredi des mesures drastiques pour tenter de rétablir l’ordre.
Couvre-feu et renforts policiers déployés
Dès ce soir, un couvre-feu entrera en vigueur de 21h à 5h dans plusieurs quartiers sensibles de Fort-de-France particulièrement touchés par les violences, et ce jusqu’à nouvel ordre. Cette mesure exceptionnelle vise à limiter les déplacements nocturnes et les attroupements propices aux débordements. Le représentant de l’État a également fait savoir que des renforts policiers significatifs étaient attendus dans les prochains jours en Martinique pour épauler les forces de l’ordre locales et reprendre le contrôle de la situation.
Des nuits d’émeutes à répétition
Les incidents se multiplient depuis plusieurs nuits consécutives, notamment dans les quartiers populaires de Sainte-Thérèse et de Dillon. Des groupes d’émeutiers, souvent des jeunes, affrontent violemment les forces de l’ordre, dressent des barricades enflammées, pillent et vandalisent des commerces. La nuit dernière, un hypermarché Carrefour a été envahi et un McDonald’s incendié, laissant ses employés sous le choc. Le bilan est lourd :
- 12 véhicules incendiés
- 17 commerces vandalisés ou cambriolés
- 11 policiers et 3 émeutiers blessés
- 15 interpellations
Un contexte social tendu
Si l’élément déclencheur immédiat de ces violences semble être la mobilisation contre la vie chère qui agite l’île depuis plusieurs semaines, le malaise est en réalité bien plus profond. Les prix des produits de consommation courante sont en moyenne 40% plus élevés en Martinique que dans l’Hexagone selon l’Insee, un écart difficilement supportable pour une large part de la population confrontée au chômage et à la précarité.
Les inégalités sont criantes et le sentiment d’abandon, de ne pas être entendu par l’État, est très présent. Il y a un ras-le-bol général qui s’exprime par la violence, faute d’autres moyens d’action.
– Patrick, habitant de Fort-de-France
La crise sanitaire liée au Covid-19 a par ailleurs durement affecté l’économie martiniquaise, très dépendante du tourisme, aggravant les difficultés et les frustrations d’une partie de la jeunesse désœuvrée. Les tensions entre forces de l’ordre et population, les accusations de violences policières et de racisme, sont également régulièrement ravivées.
Ramener le calme, une priorité absolue
Face à cette situation explosive, les autorités tentent de reprendre la main. Outre le couvre-feu et le renforcement du dispositif policier, le préfet a promis «un maximum d’interpellations» pour traduire les fauteurs de trouble devant la justice. Le gouvernement a également dépêché sur place le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu pour ouvrir le dialogue avec les acteurs locaux et tenter de trouver des solutions à plus long terme.
Mais beaucoup doutent que ces réponses sécuritaires et ces effets d’annonce suffisent à éteindre la colère qui s’est emparée d’une partie de la jeunesse martiniquaise. Au-delà du rétablissement de l’ordre à court terme, c’est un véritable plan d’urgence économique et social qui est attendu pour s’attaquer aux racines du mal-être.