Dans la course effrénée à l’innovation, les start-up européennes font face à un véritable parcours du combattant. Malgré un terreau fertile et un dynamisme certain, ces jeunes pousses peinent encore à passer au stade supérieur et à profiter pleinement du marché unique. Quels sont les obstacles qui se dressent sur leur chemin et comment l’Union Européenne compte-t-elle y remédier ?
Un écosystème en plein essor
L’Europe ne manque pas d’atouts pour faire émerger des start-up innovantes. Avec des pôles technologiques de premier plan, des talents hautement qualifiés et un esprit entrepreneurial de plus en plus affirmé, le Vieux Continent a vu naître ces dernières années de nombreuses pépites à fort potentiel.
Selon un récent panorama réalisé par 32 associations représentant les intérêts des start-up dans 20 pays européens, pas moins de 251 jeunes pousses créées après 2000 affichent aujourd’hui un chiffre d’affaires dépassant les 10 millions d’euros. Un chiffre encourageant, mais qui masque encore de profondes disparités entre les différents États membres.
Des levées de fonds record
Autre signe de la vitalité de l’écosystème, les levées de fonds records enregistrées ces derniers mois. En 2022, les start-up européennes ont ainsi réussi à lever plus de 85 milliards d’euros, soit une hausse de 20% par rapport à l’année précédente. Des chiffres portés par quelques méga-deals, à l’image de la néo-banque allemande N26 qui a bouclé un tour de table de 900 millions d’euros en octobre dernier.
Le défi du passage à l’échelle
Mais si l’Europe excelle dans la création de start-up en phase d’amorçage, elle peine encore à les accompagner efficacement dans leur croissance rapide. Comme le souligne l’ancien président de la BCE Mario Draghi dans un récent rapport, “les entreprises européennes ne parviennent souvent pas à passer avec succès le stade de la croissance”.
Un marché fragmenté
Première difficulté : la fragmentation du marché unique. Malgré les efforts d’harmonisation, les start-up doivent encore composer avec une mosaïque de réglementations nationales qui compliquent leur développement à l’échelle européenne. Des formalités administratives chronophages qui freinent leur agilité et leur capacité à se déployer rapidement sur de nouveaux marchés.
“C’est comme courir un 110 mètres haies avec 27 obstacles différents”, résume avec humour un entrepreneur français. “À chaque frontière, on doit s’adapter à de nouvelles règles, ce qui nous fait perdre un temps précieux.”
– Un entrepreneur français
L’accès aux financements
Autre frein majeur : l’accès aux financements nécessaires pour passer à l’échelle supérieure. Si les levées de fonds se multiplient, elles restent encore insuffisantes pour permettre aux start-up d’atteindre une taille critique. Avec un marché du capital-risque moins mature qu’aux États-Unis, les jeunes pousses peinent à trouver les investisseurs capables de les accompagner sur le long terme.
Les initiatives de Bruxelles
Consciente de ces enjeux, la Commission européenne multiplie les initiatives pour lever les barrières et stimuler la croissance des start-up. Avec l’arrivée d’une nouvelle commissaire dédiée au numérique, la Finlandaise Henna Virkkunen, Bruxelles entend bien donner un coup d’accélérateur.
Vers une harmonisation réglementaire
Parmi les chantiers prioritaires figure l’harmonisation réglementaire. L’objectif : simplifier et uniformiser les règles applicables aux start-up à travers l’Union, afin de leur permettre de se développer plus facilement par-delà les frontières. Des “scale-up visas” sont également à l’étude pour attirer les talents étrangers et combler les besoins en compétences.
Faciliter l’accès aux financements
Côté financement, la Commission planche sur la création d’un “Fonds européen pour la souveraineté technologique”, doté de plusieurs milliards d’euros, pour soutenir les start-up les plus prometteuses. Une initiative saluée par les acteurs de l’écosystème, qui y voient un moyen de combler le retard sur les géants américains et chinois.
Reste à transformer l’essai et à concrétiser ces ambitions sur le terrain. Car si les start-up européennes ne manquent pas de potentiel, elles ont plus que jamais besoin d’un soutien institutionnel fort pour libérer leur pleine capacité d’innovation et de conquête. Un défi que l’UE se doit de relever, sous peine de voir ses pépites partir sous d’autres cieux.
Une mobilisation de tout l’écosystème
Mais les pouvoirs publics ne pourront pas relever seuls ce défi. C’est tout l’écosystème européen qui doit se mobiliser pour offrir aux start-up un terrain de jeu propice à leur développement. Des incubateurs aux accélérateurs en passant par les investisseurs providentiels, chaque maillon de la chaîne a un rôle clé à jouer pour faire émerger les futurs champions européens du numérique.
Une dynamique vertueuse qui commence à porter ses fruits, comme en témoigne l’émergence de licornes toujours plus nombreuses aux quatre coins du continent. Des success stories inspirantes qui prouvent que l’Europe a tous les atouts en main pour jouer dans la cour des grands. À condition de se donner les moyens de ses ambitions.