C’est un séisme politique qui ébranle la France. Après des semaines de blocage et de poker menteur entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon pour Matignon, le leader de La France Insoumise vient de lancer un appel tonitruant à manifester dans la rue le 7 septembre prochain. La raison ? Le refus catégorique du président de nommer Lucie Castets, la candidate du Nouveau Front populaire (NFP), au poste de Première ministre.
Pour LFI et ses alliés de gauche, c’est un véritable « coup de force antidémocratique ». Ils accusent Emmanuel Macron de « mettre en grave danger la démocratie en refusant le résultat des urnes » qui ont donné une majorité relative au NFP lors des dernières élections législatives. Un camouflet inacceptable pour Jean-Luc Mélenchon, qui dénonce une dérive illibérale du pouvoir macroniste et appelle à une « réplique populaire et politique rapide et ferme ».
Un nouveau cycle de consultations, sans LFI ni le RN
Pourtant, le chef de l’État ne semble pas prêt à céder. Loin de jeter l’éponge, il vient d’annoncer l’ouverture d’un « nouveau cycle de consultations », mais sans convier cette fois-ci ni LFI, ni le Rassemblement national de Marine Le Pen. Un geste interprété comme une volonté de contourner la première force d’opposition à l’Assemblée, en tentant de rallier à sa cause des personnalités plus consensuelles.
Une stratégie qui passe mal du côté des Insoumis. Pour Manuel Bompard, le coordinateur de LFI, il s’agit ni plus ni moins d’un « déni de démocratie ». La secrétaire nationale d’EELV Marine Tondelier enfonce le clou :
On est en train de se faire voler cette élection et on nage en pleine dérive illibérale. Si un président d’extrême droite faisait exactement la même chose depuis six semaines, tous les observateurs hurleraient au scandale.
– Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV
Vers une procédure de destitution ?
Face à ce qu’ils perçoivent comme un véritable « bras d’honneur démocratique », les leaders de la gauche n’entendent pas en rester là. Outre l’appel à la mobilisation dans la rue le 7 septembre, certains n’hésitent plus à brandir la menace d’une procédure de destitution à l’encontre d’Emmanuel Macron. C’est notamment le cas de Manuel Bompard, pour qui « toutes les options sont sur la table » face à ce qu’il qualifie de « putsch institutionnel ».
Du côté de l’exécutif, on tente de calmer le jeu. Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a ainsi assuré que le président restait « à l’écoute de toutes les forces politiques » et voulait prendre le temps de « bâtir un compromis solide et durable ». Mais le mal est fait. En écartant d’un revers de main le choix de Lucie Castets, Emmanuel Macron a mis le feu aux poudres et précipité le pays dans une crise politique d’une rare intensité.
Les Français pris en otage ?
Car au-delà des invectives et des menaces, c’est bien l’avenir du pays qui est en jeu. Pris en étau entre un président déterminé à ne rien lâcher et une opposition radicalisée, les Français assistent médusés à ce bras de fer qui paralyse la vie politique et institutionnelle. Beaucoup craignent un blocage durable qui empêcherait de s’attaquer aux urgences du moment, de la flambée des prix à la crise climatique, en passant par les tensions sur le pouvoir d’achat.
Un sentiment d’incompréhension et de ras-le-bol que résume bien ce témoignage d’un passant interrogé par BFMTV :
On a l’impression d’être pris en otage par des querelles politiciennes, dans lesquelles chacun campe sur ses positions. Pendant ce temps-là, les vrais problèmes ne sont pas réglés. C’est désespérant.
– Un passant interrogé par BFMTV
Alors que la rentrée approche à grands pas, il y a urgence à sortir de l’ornière. Mais pour l’heure, le fossé semble se creuser chaque jour un peu plus entre les deux camps. D’un côté, une gauche remontée et prête à en découdre dans la rue. De l’autre, un président inflexible, arc-bouté sur ses prérogatives et bien décidé à ne pas se laisser dicter son agenda. Au milieu, des Français abasourdis et inquiets, qui se demandent jusqu’où ira cette partie de poker menteur.
Une chose est sûre : le 7 septembre s’annonce d’ores et déjà comme une journée à hauts risques, qui dira beaucoup de la suite des événements. Si la mobilisation est massive, Emmanuel Macron pourrait-il plier ? Ou au contraire se braquer un peu plus en dénonçant un chantage de la rue ? Faute d’accord, le spectre d’une dissolution et de nouvelles élections plane comme une épée de Damoclès. Avec à la clé le risque d’une poussée des extrêmes et d’une France plus fracturée que jamais. Le pari est osé. Certains y verront un signe de fermeté. D’autres une fuite en avant irresponsable et un déni démocratique. Une ligne de crête sur laquelle marche désormais le chef de l’État.