Une décision récente du tribunal administratif de Paris vient de faire jurisprudence pour les personnes transgenres demandant l’asile en France. Le dépôt tardif d’une demande d’asile, deux ans après l’arrivée sur le territoire français, a été jugé justifié du fait du début d’une transition de genre. Une première qui ouvre de nouvelles perspectives pour les personnes transgenres craignant des discriminations dans leur pays d’origine.
Une transition de genre comme motif légitime de demande d’asile tardive
Mme A, ressortissante marocaine, est arrivée en France en août 2020 avec un visa étudiant. Ce n’est que deux ans plus tard, en juillet 2022, qu’elle a déposé une demande d’asile auprès de la préfecture de police. L’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) lui a alors refusé le bénéfice des conditions matérielles d’accueil, en raison du dépassement du délai légal de 90 jours pour déposer une demande.
Mais le tribunal administratif de Paris en a jugé autrement. Pour les juges, le fait que Mme A n’ait pu débuter sa transition médicale qu’une fois installée en France constituait un motif légitime pour déposer une demande d’asile au-delà du délai prévu par la loi. Des certificats médicaux attestent en effet d’un suivi depuis novembre 2022, avec un traitement hormonal et une orientation vers un parcours chirurgical.
Des craintes de discrimination dans le pays d’origine liées à la transition
Si Mme A avait quitté le Maroc en 2020 en raison notamment des discriminations qui y pèsent sur les personnes transgenres, c’est bien sa transition entamée en France qui est à l’origine des craintes exprimées dans sa demande d’asile. Pour le tribunal, ces craintes constituent un motif valable, même tardivement exprimé.
Dès lors que cette transition, à l’origine des discriminations que craint la requérante, n’a eu lieu que plus de deux ans après son entrée sur le territoire français, la requérante est fondée à soutenir qu’elle disposait d’un motif légitime pour présenter sa demande d’asile au-delà du délai de quatre-vingt-dix jours.
Extrait du jugement du tribunal administratif de Paris
L’OFII contraint de rétablir les conditions matérielles d’accueil
En conséquence de cette décision, le tribunal administratif enjoint à l’OFII d’octroyer à Mme A le bénéfice des conditions matérielles d’accueil de manière rétroactive, et de procéder à son hébergement dans une structure adaptée sous deux mois. Une décision capitale pour cette demandeuse d’asile, qui va ainsi pouvoir bénéficier d’un accompagnement dans ses démarches.
Une jurisprudence importante pour les personnes transgenres
Au-delà du cas individuel de Mme A, ce jugement crée une jurisprudence importante pour toutes les personnes transgenres souhaitant demander l’asile en France. Il reconnaît qu’une transition de genre peut être un motif de craintes de persécutions, même si ces craintes sont apparues après l’arrivée en France.
Cette décision pourrait inciter d’autres personnes dans des situations similaires à faire valoir leur droit à une protection internationale. Elle témoigne d’une prise en compte croissante des problématiques spécifiques aux personnes transgenres dans le droit d’asile.
La France, terre d’asile pour les personnes LGBTQI+ ?
Si cette décision est à saluer, il reste encore de nombreux défis pour faire de la France une véritable terre d’asile pour les personnes LGBTQI+. Les stéréotypes et les préjugés persistent chez certains agents chargés d’examiner les demandes d’asile, conduisant à des rejets parfois injustifiés.
Les associations militent pour une meilleure formation des agents aux problématiques spécifiques des personnes LGBTQI+, ainsi que pour des conditions d’accueil adaptées et sécurisantes. Car au-delà de la reconnaissance du statut de réfugié, c’est tout un accompagnement social, médical et juridique qui doit être mis en place.
Le chemin vers une égalité de traitement pour tous les demandeurs d’asile, quelle que soit leur identité de genre ou leur orientation sexuelle, est encore long. Mais des décisions comme celle du tribunal administratif de Paris montrent que des avancées sont possibles, pas à pas, pour faire progresser les droits des personnes LGBTQI+ exilées.