Un décret paru au Journal Officiel ce samedi a prononcé la déchéance de la nationalité française d’un homme né en Mauritanie, condamné en 2017 pour avoir tenté d’attaquer des militaires au couteau à Paris. Une mesure rare et lourde de conséquences, témoignant de la gravité des faits et du parcours troublant de l’individu, entre radicalisation islamiste et troubles psychiatriques.
Une attaque au couteau contre des militaires de l’opération Sentinelle
Les faits remontent au 19 août 2017. Mamoye D., alors âgé de 19 ans, avait brandi un couteau face à des militaires de l’opération Sentinelle en criant “Allah Akbar”. Sommé de poser son arme, il s’était exécuté sans résistance et avait été interpellé. Mais quelques heures plus tard en garde à vue, il avait tenu des propos inquiétants :
Si j’avais tué des militaires, j’aurais crié la victoire de Daech contre la France. Je voulais les décapiter.
– Mamoye D. en garde à vue
Un lien inventé avec l’État Islamique
Lors de son interrogatoire, le jeune homme avait aussi affirmé être en contact avec des membres de l’État Islamique en Irak et en Syrie. Une affirmation qui s’était avérée fausse après vérification. Mais elle témoigne de l’univers mental et des intentions de l’agresseur au moment des faits.
Entre radicalisation et troubles psychiatriques
Le profil de Mamoye D. apparaît complexe et ambigu. Déjà connu des services de police, il avait effectué plusieurs séjours en hôpital psychiatrique depuis son adolescence. Au début de l’enquête, une première expertise avait conclu à l’abolition de son discernement. Mais deux contre-expertises avaient finalement retenu une simple altération, rendant possible la tenue d’un procès.
Le jeune mauritanien se trouvait en effet en permission de sortie d’un établissement psychiatrique le jour de l’attaque. Son geste semble se situer à la frontière entre un épisode de décompensation et un acte terroriste inspiré par l’idéologie islamiste radicale.
Une peine de prison et une déchéance de nationalité
Jugé coupable, Mamoye D. avait été condamné en 2018 à 4 ans de prison pour tentative d’assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique en lien avec une entreprise terroriste. Il aurait dû recouvrer la liberté fin 2022 ou courant 2023.
Mais ce samedi 22 août, un nouveau coup de théâtre est venu alourdir la sanction. Suivant l’avis du Conseil d’État, un décret de déchéance de la nationalité française a été publié à son encontre au Journal Officiel. Une mesure rare, prononcée seulement à l’égard d’individus binationaux, condamnés pour des faits de terrorisme ou portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
Une mesure exceptionnelle et controversée
La déchéance de nationalité est une sanction extrême et très encadrée. Elle ne peut intervenir que par décret et après avis du Conseil d’État. Elle fait aussi polémique car elle crée de fait une différence de traitement entre les citoyens français selon qu’ils détiennent ou non une autre nationalité.
Ces dernières années, plusieurs déchéances ont été prononcées à l’encontre d’individus impliqués dans des affaires terroristes, comme lors des attentats de 2015. Elles sont généralement suivies d’une mesure d’expulsion du territoire français.
Un cas emblématique des défis sécuritaires et sociétaux
Au-delà de la trajectoire individuelle de Mamoye D., cette affaire cristallise plusieurs enjeux cruciaux :
- La persistance de la menace terroriste islamiste et des phénomènes de radicalisation, touchant notamment des individus jeunes et fragiles psychologiquement.
- La prise en charge psychiatrique et judiciaire de profils ambigus, entre trouble mental et intentionnalité terroriste.
- Le durcissement des mesures de sécurité et de sanction pour les binationaux, avec le recours à la déchéance de nationalité.
Elle illustre aussi la complexité du travail des forces de l’ordre face à une menace diffuse et protéiforme, comme l’opération Sentinelle qui expose les militaires en pleine rue.
Cette affaire ne manquera pas de susciter des réactions et des débats. Elle montre que la lutte contre le terrorisme et la radicalisation reste un défi majeur pour notre société, exigeant à la fois fermeté, discernement et le traitement des racines profondes du mal.