C’est une information qui n’a pas manqué de faire réagir Pékin. Selon des révélations du New York Times, les États-Unis ont récemment opéré un virage stratégique majeur en plaçant la Chine au coeur de leur doctrine nucléaire ultra-secrète. Un changement de cap lourd de sens dans un contexte de tensions croissantes entre les deux superpuissances.
La Chine, nouvelle priorité de la stratégie nucléaire américaine
Tous les quatre ans, les États-Unis révisent leur document hautement confidentiel baptisé “Nuclear Employment Guidance”. Mais cette année, le changement est de taille. Pour la première fois, la dissuasion américaine se focalise sur la Chine et la rapide expansion de son arsenal nucléaire, reléguant au second plan la traditionnelle rivalité avec la Russie héritée de la Guerre Froide.
Une fuite qui en dit long sur l’état d’esprit à Washington. La montée en puissance de l’armement nucléaire chinois suscite une vive préoccupation, d’autant plus que Pékin multiplie les efforts pour diversifier ses capacités avec de nouveaux missiles, bombardiers et sous-marins.
L’ombre d’une coordination nucléaire sino-russe
Mais la menace chinoise n’est pas la seule inquiétude. Les stratèges américains évoquent aussi pour la première fois la possibilité d’une coordination nucléaire entre Pékin, Moscou et Pyongyang. Un scénario jugé peu probable par le passé, mais que le récent rapprochement entre la Chine et la Russie, ainsi que leur soutien à la Corée du Nord, rendent désormais envisageable.
Il est possible qu’un jour, nous nous retournions et que nous considérions le quart de siècle qui a suivi la Guerre froide comme une parenthèse nucléaire.
Vipin Narang, chercheur au MIT
Course aux armements et risque d’escalade
Cette nouvelle donne stratégique n’est pas sans conséquence. Pékin a vivement réagi, accusant Washington de chercher des excuses pour obtenir un avantage stratégique en alimentant l’idée d’une menace chinoise. Un engrenage dangereux qui pourrait relancer une course aux armements et accroître les risques d’escalade en cas de crise.
Face à ces défis, les États-Unis sont contraints de repenser leur posture nucléaire. Mais cette réorientation comporte aussi des risques, celui d’une prophétie auto-réalisatrice où la perception d’une menace entraîne une réaction qui la rend réelle. Un dilemme stratégique qui illustre toute la complexité du jeu nucléaire à l’ère de la rivalité sino-américaine.
La dissuasion nucléaire à l’épreuve des nouveaux équilibres
Plus largement, cette évolution témoigne des profonds bouleversements à l’œuvre dans le domaine de la dissuasion nucléaire. Pendant des décennies, celle-ci reposait sur un face à face entre Américains et Soviétiques. Mais l’émergence de nouvelles puissances comme la Chine rebat les cartes et complexifie les équilibres.
- Développement accéléré de l’arsenal nucléaire chinois
- Diversification des capacités avec missiles, bombardiers, sous-marins
- Risque de coordination entre Chine, Russie et Corée du Nord
- Danger d’une nouvelle course aux armements et d’escalade
Dans ce nouveau contexte, la stabilité ne peut plus reposer sur des équilibres bipolaires, mais exige de prendre en compte une multitude d’acteurs et d’intérêts. Un défi de taille pour la théorie de la dissuasion, qui doit s’adapter à un monde plus multipolaire et imprévisible.
En définitive, le fait que la Chine se retrouve au cœur de la plus secrète des stratégies américaines illustre à quel point elle est devenue l’autre grand rival de Washington. Une rivalité qui se joue de plus en plus sur le terrain nucléaire, avec tous les risques que cela comporte pour la sécurité et la stabilité internationales. Gérer ces nouveaux équilibres sera l’un des grands défis stratégiques des prochaines décennies.