Dans la ville russe de Koursk, à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne, l’angoisse est palpable parmi les centaines de familles évacuées. Malgré les efforts des autorités locales pour se montrer rassurantes, beaucoup redoutent que les violents combats qui font rage dans la région depuis plus de deux semaines ne s’éternisent, les condamnant à un exil prolongé loin de chez eux.
Une situation inédite depuis la Seconde Guerre mondiale
L’incursion des forces ukrainiennes dans cette zone frontalière marque un tournant dans le conflit, constituant la première pénétration de troupes étrangères en territoire russe depuis la Seconde Guerre mondiale. Ironie de l’histoire, c’est justement dans les environs de Koursk que s’était déroulée en 1943 la plus grande bataille de chars de tous les temps, qui avait sonné le glas des ambitions hitlériennes à l’Est.
Aujourd’hui, les combats ont pris une tournure bien différente mais sèment à nouveau la panique parmi les populations civiles. Chaque jour, des files de véhicules chargés de bagages quittent la ville, fuyant les bombardements incessants. Les sirènes d’alerte aérienne, qui retentissent “dix à vingt fois par jour” selon le maire Igor Koutsak, rythment désormais le quotidien des habitants.
Des centaines de familles dans l’attente
Dans le centre d’accueil installé à la hâte dans le cirque municipal, des centaines de familles patientent, valises à la main, pour s’enregistrer et recevoir de l’aide. Beaucoup ont dû quitter leur foyer précipitamment, n’emportant que le strict nécessaire. “On ne sait pas combien de temps ça va durer”, confie Irina, une mère de famille épuisée, son bébé dans les bras. “J’espère qu’on pourra rentrer bientôt, mais j’ai peur que la situation empire.”
Les autorités locales tentent tant bien que mal d’organiser la solidarité, mobilisant des volontaires pour distribuer nourriture, vêtements et produits d’hygiène aux déplacés. Mais beaucoup s’inquiètent de la capacité de la ville à gérer un afflux prolongé de réfugiés si les combats devaient perdurer.
La crainte d’une guerre d’usure
Car malgré les déclarations rassurantes des responsables sur l’efficacité des défenses russes, l’hypothèse d’une guerre d’usure aux frontières semble de plus en plus probable. Une perspective qui glace le sang des évacués, conscients que leur exil pourrait se prolonger indéfiniment.
“On nous dit que nos soldats repoussent l’ennemi, mais les combats ne cessent pas”
– témoigne Sergueï, un retraité contraint de fuir son village
“J’ai passé toute ma vie ici, je n’imagine pas aller vivre ailleurs. Mais si ça continue comme ça, on n’aura peut-être pas le choix”, se désole-t-il, des sanglots dans la voix.
Un lourd tribut pour les civils
Au-delà de l’angoisse et des bouleversements vécus par la population, ce sont tous les équilibres de la région qui sont menacés par ce conflit qui s’enlise. Koursk et ses alentours, connus pour leurs vastes terres agricoles, voient les travaux des champs perturbés par les combats, menaçant les récoltes à venir et donc le principal moteur économique local.
Dans cette guerre qui ne dit pas son nom, ce sont encore une fois les civils qui paient le plus lourd tribut. Pris en étau entre deux armées, forcés de fuir leurs foyers sans savoir de quoi demain sera fait, ils sont les victimes silencieuses d’une tragédie qui semble partie pour durer. Une certitude demeure: quel que soit le vainqueur de cet affrontement, la population de Koursk mettra du temps à panser ses plaies et à retrouver une vie normale.