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La Turquie débloque Instagram après 9 jours de censure

La Turquie vient de rétablir l'accès à Instagram après 9 jours d'un blocage très controversé. Découvrez les dessous d'une crise diplomatique impliquant le Hamas qui a failli priver 50 millions de Turcs de leur réseau social favori. Que s'est-il passé en coulisse pour...

Imaginez un pays de 85 millions d’habitants brutalement coupé d’Instagram pendant plus d’une semaine. C’est ce qui vient de se produire en Turquie, où le réseau social préféré des Turcs était inaccessible depuis le 2 août. Après 9 jours de blocage, les autorités ont finalement rétabli l’accès samedi soir, mettant fin à une crise diplomatique impliquant le Hamas palestinien. Plongée dans les coulisses d’un bras de fer inédit.

La Turquie accuse Instagram de “fascisme numérique”

Tout commence le 2 août lorsque les internautes turcs réalisent qu’Instagram est inaccessible. Très vite, les spéculations vont bon train. S’agit-il d’une panne ? D’un blocage délibéré ? La réponse ne tarde pas. Le gouvernement turc accuse la plateforme de “censure” pour avoir retiré des contenus honorant la mémoire d’un chef du Hamas tué en Iran. Le président Erdogan dénonce même un “fascisme numérique qui ne peut tolérer même les photos de martyrs palestiniens”.

“Un fascisme numérique qui ne peut tolérer même les photos de martyrs palestiniens sans les interdire aussitôt.”

– Recep Tayyip Erdogan, Président de la Turquie

En cause : le retrait par Instagram de messages rendant hommage à Ismaël Haniyeh, haut responsable du Hamas décédé début août à Téhéran dans des circonstances troubles. Pour rappel, le Hamas est considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et Israël, mais pas par la Turquie qui entretient des liens étroits avec le mouvement islamiste palestinien.

50 millions de Turcs privés d’Instagram

Les conséquences du blocage d’Instagram sont considérables en Turquie, où le réseau compte pas moins de 50 millions d’utilisateurs actifs (sur une population de 85 millions). C’est l’un des pays au monde où Instagram est le plus populaire, notamment chez les jeunes. De nombreux Turcs l’utilisent également à des fins professionnelles et commerciales.

Selon les estimations, la coupure aurait entraîné un manque à gagner de 57 millions de dollars par jour pour l’économie turque. Les petits commerçants et influenceurs qui dépendent des revenus générés sur la plateforme sont les premiers pénalisés.

Négociations de dernière minute

Après une semaine de bras de fer, les autorités turques et les responsables d’Instagram sont finalement parvenus à un accord pour rétablir l’accès au réseau. Selon le ministre turc des Transports et des Infrastructures, Instagram se serait engagé à répondre aux demandes turques concernant le retrait de certains contenus. Meta (maison mère d’Instagram) affirme de son côté avoir déjà retiré des milliers de publications à la demande de la Turquie au premier semestre 2022.

Si le détail des négociations n’a pas été révélé, cet épisode illustre la pression croissante exercée par Ankara sur les réseaux sociaux. Une loi adoptée en 2020 oblige les plateformes à retirer les contenus jugés “offensants” sous 48 heures, sous peine de voir leur bande passante réduite de 90%, ce qui les rend inutilisables. Les géants du web sont ainsi contraints de se plier aux exigences des autorités turques en matière de censure s’ils veulent continuer à opérer dans le pays.

Une liberté d’expression sous surveillance

Plus largement, cette affaire en dit long sur l’état de la liberté d’expression en Turquie, régulièrement pointée du doigt par les ONG. Le blocage d’Instagram n’est que le dernier épisode en date d’une longue série de restrictions touchant la presse, les réseaux sociaux et les voix critiques. Reporters sans frontières classe la Turquie à la 149e place (sur 180) de son classement mondial de la liberté de la presse.

Dans ce contexte, le déblocage d’Instagram apparaît presque comme une victoire pour les défenseurs des libertés numériques. Mais pour combien de temps ? Tant que la loi turque permettra au gouvernement de faire pression sur les réseaux sociaux, l’épée de Damoclès continuera de planer. Et nul doute que la prochaine crise ne se fera pas attendre.

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