L’Italie voit aujourd’hui une coalition des droites au pouvoir, menée par Giorgia Meloni. Une situation qui aurait semblé impensable il y a quelques décennies, lorsque les différents courants de la droite italienne s’opposaient farouchement. Comment en est-on arrivé là ? L’histoire mouvementée de l’Italie d’après-guerre permet de comprendre cette évolution spectaculaire.
Le poids de l’héritage fasciste
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Italie est profondément marquée par son passé fasciste. Le régime de Mussolini, allié à l’Allemagne nazie, a entraîné le pays dans la guerre et la défaite. La monarchie est discréditée pour avoir longtemps cohabité avec le fascisme. Dans ce contexte, la légitimité politique se fonde sur la participation à la résistance antifasciste et antiallemande.
Un paysage politique recomposé
Lors du référendum de juin 1946, les Italiens choisissent la république plutôt que la monarchie. Les partis antifascistes sortent renforcés, notamment la Démocratie chrétienne (DC) dirigée par Alcide De Gasperi et le Parti communiste italien (PCI) de Palmiro Togliatti. À droite, le Mouvement social italien (MSI) regroupe des nostalgiques du fascisme, menés par Giorgio Almirante.
Ostracisme envers l’extrême droite
Pendant des décennies, un « cordon sanitaire » excluera le MSI de toute alliance gouvernementale. La DC domine la vie politique en s’alliant au centre et parfois à gauche. Elle se pose en rempart contre le communisme dans le contexte de la Guerre froide.
« En Italie, la Démocratie chrétienne a occupé le pouvoir sans discontinuer de 1946 à 1994, en gouvernant soit seule, soit en coalition avec des petits partis du centre. »
– Pierre Milza, historien
Les années de plomb et l’opération Mains propres
Dans les années 1970, l’Italie traverse une période de violence politique : attentats d’extrême gauche et d’extrême droite se succèdent. Puis, dans les années 1990, l’opération « Mains propres » révèle un vaste système de corruption liant milieux politiques et économiques. C’est un séisme qui emporte la « Première République » et ses partis traditionnels.
La refondation de la droite
Silvio Berlusconi, magnat des médias, lance son parti Forza Italia et remporte les élections de 1994. Il s’allie à la Ligue du Nord, formation populiste, et à l’Alliance nationale (AN), héritière du MSI. C’est la première fois qu’un parti issu du fascisme participe au gouvernement. L’AN, dirigée par Gianfranco Fini, entame un processus de normalisation visant à se défaire de son image sulfureuse.
Émergence de Fratelli d’Italia
En 2012, Giorgia Meloni fonde Fratelli d’Italia, parti souverainiste qui revendique l’héritage du MSI. Ancienne ministre de Berlusconi, elle incarne un renouveau générationnel à droite. Son ascension fulgurante bouleverse le paysage politique.
La coalition des droites au pouvoir
Aux élections de 2022, l’alliance de Fratelli d’Italia, de la Ligue de Matteo Salvini et de Forza Italia obtient une nette majorité. Meloni devient Première ministre, première femme à accéder à ce poste en Italie. Elle entend gouverner dans l’intérêt national en mettant de côté les clivages du passé.
« Je ne suis pas un danger pour la démocratie, je suis une femme, une mère, une Italienne et une chrétienne »
– Giorgia Meloni
Le parcours de Giorgia Meloni et la coalition qu’elle a su bâtir en fédérant la droite italienne forcent le respect, y compris chez ses adversaires. Pour autant, cette « union des droites » n’est pas aisément transposable ailleurs, tant elle est le fruit d’une histoire et d’un contexte particulier. Seul l’avenir dira si ce modèle politique est viable sur le long terme et s’il peut inspirer d’autres pays européens.