Au Liban, un homme utilise la nourriture comme un puissant vecteur de changement social. Kamal Mouzawak, écrivain et activiste, a fait de sa passion pour la cuisine libanaise traditionnelle le moteur d’initiatives solidaires et rassembleuses dans son pays. Portrait d’un gastronome engagé qui croit au pouvoir de la nourriture pour faire tomber les barrières et soutenir les communautés.
Souk El Tayeb, bien plus qu’un marché
Tout a commencé en 2004 quand Kamal a fondé Souk El Tayeb, le premier marché de producteurs du Liban dans la capitale Beyrouth. Plus qu’un simple lieu de commerce, ce souk est devenu un espace de rencontre et d’échange entre ville et campagne, producteurs et consommateurs. On y trouve les meilleurs produits issus des différents terroirs libanais, mais aussi une célébration de la diversité et de l’authenticité des traditions culinaires du pays.
“Souk El Tayeb rassemble des fermiers et artisans de toutes les régions du Liban, quelles que soient leur origine ou leur religion. Ici, c’est la nourriture et l’amour du terroir qui nous unit.”
Kamal Mouzawak
Des restaurants pas comme les autres
Fort de ce succès, Kamal a ensuite ouvert plusieurs restaurants à Beyrouth qui fonctionnent sur un modèle original. Chacun met à l’honneur la cuisine d’un village libanais en particulier, avec aux fourneaux des femmes originaires de cette localité :
- Tawlet propose chaque jour un buffet préparé par une femme d’un village différent
- Beit invite les clients à déguster des plats typiques chez l’habitant
- Les Dekenet sont des échoppes de street food qui cuisinent les spécialités d’une région
L’objectif : valoriser les traditions culinaires de chaque terroir et créer de l’emploi pour les femmes des zones rurales, tout en faisant découvrir toute la richesse et la diversité du patrimoine culinaire libanais.
Une cantine solidaire née des décombres
En août 2020, l’explosion dévastatrice dans le port de Beyrouth a laissé de nombreuses familles sans ressources. Pour leur venir en aide, Kamal a immédiatement lancé une cantine communautaire baptisée Khayyak (« ton frère » en arabe). Dans une cuisine improvisée au milieu des ruines, des dizaines de bénévoles se relaient pour préparer quotidiennement plus de 2500 repas chauds distribués gratuitement aux sinistrés.
“Après la catastrophe, nourrir nos concitoyens dans le besoin était une priorité. La nourriture réconforte les corps et les cœurs, elle redonne de la dignité.”
Kamal Mouzawak
Grâce à la solidarité, cette cantine éphémère s’est transformée en un véritable lieu de partage et d’entraide au cœur de la ville meurtrie, le temps de la reconstruction.
Une vision inspirante
A travers ses multiples projets, Kamal Mouzawak prouve que la cuisine peut être un formidable moteur de changement. Vecteur de traditions, créatrice de lien social, source de revenus, aide d’urgence… la nourriture se révèle un outil puissant au service du bien commun.
En mettant en lumière le savoir-faire des paysans et des cuisinières de village, en faisant se rencontrer les communautés autour d’un repas, en nourrissant les plus fragiles, ce chef militant fait vivre les valeurs de partage et d’hospitalité au cœur de la culture libanaise. Un bel exemple de cuisine engagée, ancrée dans son terroir et tournée vers les autres.
