Face au drame qui se joue actuellement au Venezuela, le mutisme assourdissant des figures de proue de l’extrême gauche française laisse songeur. Eux qui encensaient encore il y a peu la “révolution bolivarienne” du défunt Hugo Chavez et de son successeur Nicolas Maduro semblent aujourd’hui bien en peine de se positionner clairement face à la répression sanglante orchestrée par ce dernier pour conserver le pouvoir.
Le Venezuela, longtemps modèle d’une gauche radicale
Pendant des années, le Venezuela a représenté pour beaucoup à l’extrême gauche un modèle à suivre de transformation socialiste de la société. Jean-Luc Mélenchon lui-même ne tarissait pas d’éloges sur le régime chaviste, vantant sa politique sociale et ses réalisations. Las, l’effondrement économique du pays, miné par l’hyperinflation, les pénuries et la corruption, est venu ternir sérieusement ce tableau idyllique.
Pourtant, lorsque les Vénézuéliens sont descendus par millions dans la rue pour réclamer le départ de Maduro et de nouvelles élections, les réactions de LFI et consorts se sont faites pour le moins discrètes. Tout juste Jean-Luc Mélenchon a-t-il concédé du bout des lèvres que la situation était “compliquée”, se gardant bien de condamner la violente répression des manifestations par les forces de l’ordre fidèles au régime.
Chavez, Maduro : une filiation problématique
C’est que la faillite de la « révolution bolivarienne » place les admirateurs français de Chavez dans une position pour le moins inconfortable. Comment assumer ce soutien passé sans pour autant cautionner les dérives liberticides de son héritier ? Le malaise est palpable et les contorsions rhétoriques, parfois pathétiques, pour tenter de s’en dépêtrer.
Le chavisme était un processus positif, Maduro en est la négation. Nous condamnons la dérive autoritaire du pouvoir.
– Éric Coquerel, député LFI
Une pirouette qui ne convainc guère quand on sait à quel point Maduro était le dauphin désigné de Chavez, s’inscrivant pleinement dans son héritage politique. Et que penser alors des déclarations passées de Mélenchon, affirmant que la démocratie vénézuélienne était « sans doute l’une des mieux organisées au monde » ?
Un silence révélateur
En vérité, si LFI se montre aussi peu loquace sur la tragédie vénézuélienne, c’est que celle-ci vient percuter de plein fouet le mythe d’une prétendue “révolution citoyenne” portée par le mouvement. Comment continuer à vendre ce modèle en France si son inspiration vénézuélienne part à vau-l’eau dans un bain de sang ?
Déjà fragilisée électoralement, tiraillée entre ses ailes radicale et “réformiste”, LFI n’a pas intérêt à ce que le fiasco vénézuélien entache un peu plus son image et son projet. Quitte pour cela à détourner pudiquement le regard et à laisser les rues de Caracas se couvrir de cadavres.
Revoir les fondamentaux
Au fond, cette gêne de l’extrême gauche face aux événements vénézuéliens traduit une crise plus profonde. Celle d’un logiciel idéologique qui peine à se renouveler et dont les références s’effritent les unes après les autres. Avec le naufrage de la « révolution bolivarienne », c’est un pan entier de l’imaginaire mélenchoniste qui vacille sur ses bases.
- Sortir des postures binaires “ami/ennemi”
- Assumer une condamnation claire des dérives dictatoriales
- Repenser le logiciel idéologique au-delà des mythes du passé
À défaut d’une telle remise en question, LFI risque de rester prisonnière de vieux schémas de pensée et de réflexes pavloviens qui l’empêchent de regarder le monde tel qu’il est. Le drame vénézuélien doit être l’occasion d’un sursaut salutaire. Faute de quoi, la « révolution citoyenne » à la française pourrait connaître le même sort que bolivarienne : sombrer dans la violence et la désillusion.