La mort d’Ismaïl Haniyeh, chef politique du mouvement islamiste palestinien Hamas, lors d’une frappe israélienne en Iran le 31 juillet 2024, risque de marquer un tournant majeur dans le conflit israélo-palestinien. Retour sur le parcours de cet homme qui aura été l’une des figures les plus influentes et controversées de la scène politique moyen-orientale ces dernières décennies.
De militant étudiant à leader du Hamas
Né en 1963 dans une famille de réfugiés palestiniens, Ismaïl Haniyeh grandit dans la bande de Gaza. Dès ses années universitaires, il s’engage au sein de la branche étudiante des Frères musulmans, matrice du futur Hamas. Son militantisme lui vaut plusieurs arrestations par Israël lors de la Première Intifada (1987-1993).
Membre fondateur du Hamas en 1987, Haniyeh gravit rapidement les échelons. En 2006, il accède au poste de Premier ministre de l’Autorité palestinienne suite à la victoire surprise du Hamas aux élections législatives. Mais la cohabitation avec le Fatah du président Mahmoud Abbas tourne court. En 2007, le Hamas prend le contrôle de Gaza par la force, en évincent l’Autorité palestinienne au prix d’affrontements sanglants.
Ascension et exil
Devenu le visage politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh plaide pour concilier lutte armée et combat politique. Il noue des relations avec les différentes factions palestiniennes et des soutiens régionaux comme l’Iran, le Qatar ou la Turquie. En 2017, il succède à Khaled Mechaal à la tête du bureau politique du Hamas, s’installant en exil entre Doha et Istanbul.
Sous sa direction, le Hamas livre plusieurs guerres dévastatrices contre Israël depuis Gaza (2008-2009, 2012, 2014, 2021) qui laissent l’enclave palestinienne exsangue. Haniyeh, lui, devient l’un des hommes les plus recherchés par Israël. En mars 2024, trois de ses fils et quatre petits-enfants sont tués dans une frappe israélienne à Gaza. Un deuil personnel qu’il entend venger.
Mort et héritage
C’est donc un Ismaïl Haniyeh déterminé qui se rend en Iran fin juillet 2024 pour assister à l’investiture du nouveau président. Mais il n’en reviendra pas vivant. Le 31 juillet, le Hamas annonce sa mort dans une frappe de drone israélienne près de Téhéran, une escalade rarissime hors des frontières du conflit.
La disparition brutale d’Ismaïl Haniyeh, à 61 ans, laisse le Hamas orphelin de son chef le plus charismatique. Architecte de la stratégie du mouvement depuis près de 20 ans, il laisse une organisation puissante mais isolée, lestée par sa gestion calamiteuse de Gaza et son intransigeance vis-à-vis d’Israël.
Haniyeh était le visage et la voix du Hamas. Son charisme et ses connexions lui permettaient de maintenir un fragile équilibre entre les différentes factions. Sa mort risque de déstabiliser profondément le mouvement.
– Saleh al-Arouri, numéro deux du Hamas
Au-delà des luttes de succession qui s’annoncent au sein du Hamas, la mort d’Ismaïl Haniyeh risque surtout de déchaîner une nouvelle vague de violences avec Israël. Le mouvement islamiste a promis une vengeance “à la hauteur du crime” tandis qu’Israël a placé ses forces en état d’alerte maximale.
Ismaïl Haniyeh aura ainsi été jusqu’au bout un catalyseur des tensions irréductibles qui minent le conflit israélo-palestinien. Sa disparition brutale risque d’enflammer une poudrière régionale déjà à vif et de repousser plus loin encore tout espoir de paix, qui était l’horizon qu’il disait pourtant poursuivre.