Imaginez un monde où le vrombissement incessant du trafic routier ne serait plus qu’un lointain souvenir. Un monde dans lequel les chaussées absorberaient les nuisances sonores tout en réduisant notre empreinte carbone. Cette vision futuriste est en passe de devenir réalité grâce aux efforts déployés par les chercheurs et industriels pour développer des revêtements routiers révolutionnaires.
L’enjeu colossal du bruit routier
Saviez-vous que plus de 8 millions de Franciliens sont quotidiennement exposés à des niveaux de bruit routier dépassant les recommandations de l’OMS ? Ces nuisances impactent non seulement notre qualité de vie, mais ont également un coût social faramineux, estimé à 81 milliards d’euros par an selon l’Ademe. Il est donc urgent d’agir !
Contrairement aux idées reçues, l’électrification du parc automobile ne résoudra pas miraculeusement le problème. En effet, au-delà de 50 km/h, c’est le bruit de roulement du contact pneu/chaussée qui prédomine. Les innovations doivent donc se concentrer sur les revêtements routiers.
Des enrobés moins bruyants et énergivores
C’est dans cette optique que le Cerema, centre d’études et d’expertise sur les risques et l’environnement, a mis au point des enrobés bitumineux nouvelle génération. Baptisés PAC-dB (pour “Pneumatic Asphalt Concrete decibel”), ces revêtements permettent une division par deux du bruit routier perçu, tout en réduisant la température de surface de 3°C.
L’utilisation de granulats spécifiques et d’un bitume clair améliore l’absorption acoustique et limite les phénomènes d’îlot de chaleur urbain. Le bonus ? Ces enrobés “de silence” affichent une durabilité et un surcoût maîtrisés (<10%).
Cartographier le bruit pour mieux le combattre
Reste désormais à convaincre les collectivités d’adopter massivement ces solutions. Un défi dans lequel s’est lancé Renault, en partenariat avec l’association Bruitparif. Le constructeur a ainsi équipé des véhicules d’un capteur acoustique embarqué, permettant de cartographier finement la qualité sonore des chaussées.
Ces informations géolocalisées constitueront un précieux outil d’aide à la décision pour les municipalités. Elles mettront aussi en lumière le lien entre bruit et consommation de carburant, la rugosité du revêtement influant sur la résistance au roulement.
La qualité acoustique des revêtements est une donnée encore méconnue. Si rien n’est fait au niveau des infrastructures, les efforts des constructeurs seront vains.
Thomas Antoine, expert bruit et vibrations chez Renault
Villes pionnières et chantiers d’avenir
Certaines agglomérations n’ont pas attendu pour se lancer. La Ville de Paris a ainsi expérimenté avec succès les enrobés phoniques dans le cadre du projet européen Life Cool & Low Noise Asphalt. Turin et Milan ont suivi, tandis que Lyon, Bordeaux et Nantes planchent sur le sujet.
Au-delà de la lutte contre le bruit, ces chaussées “intelligentes” ouvrent de nombreuses perspectives. Incorporation de capteurs, recharge par induction pour véhicules électriques, récupération d’énergie… Les routes de demain seront assurément plus silencieuses, mais aussi plus communicantes et résilientes.
Une (r)évolution qui ne fait que commencer et qui pourrait bien transformer en profondeur notre environnement urbain dans les années à venir. Pour le bien-être de tous et de la planète.