Alors que 17 ministres démissionnaires du gouvernement Attal continuent de gérer les affaires courantes et de prendre des décrets tout en siégeant comme députés, les écologistes ont décidé de saisir le Conseil d’Etat. Leur objectif : prouver que la loi organique qui organise « l’incompatibilité » entre mandat de député et fonctions ministérielles « contrevient à l’esprit de la Constitution ».
Un recours pour clarifier les rôles
Déposé ce jeudi par la députée écologiste Léa Balage, ce recours intervient suite à une séquence parlementaire inédite. Alors que le gouvernement Attal a démissionné, 17 de ses ex-ministres ont pu voter à l’Assemblée nationale en tant que députés, tout en continuant d’exercer leurs fonctions ministérielles pour gérer les affaires courantes.
Pour les écologistes, cette situation pose question au regard de l’article 23 de la Constitution qui stipule que « les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire ». Mais une loi organique de 1958 précise que cette incompatibilité ne s’applique pas en cas de gouvernement démissionnaire, pour une durée maximale d’un mois.
Cette loi organique dénature le sens de l’article 23 de la Constitution. Elle met en péril l’équilibre même de nos institutions.
– Léa Balage, députée écologiste
Une procédure inédite
Concrètement, les écologistes demandent au Conseil d’Etat, via une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), de juger si cette loi organique de 1958 est conforme à la Constitution. Si le Conseil d’Etat juge la requête recevable, il la transmettra alors au Conseil constitutionnel.
Cette QPC se greffe sur le recours en annulation déposé par une association contre un décret pris le 19 juillet par le Premier ministre Gabriel Attal et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, alors qu’ils sont en parallèle redevenus députés. Ce décret porte sur le traitement automatisé de données personnelles en matière de cyberdéfense.
Réparer les “fragilités” de la Ve République
Pour Léa Balage, cette procédure vise à réparer ce qu’elle considère comme une « fragilité » de la Ve République :
La loi de 1958 organise les choses quand les députés deviennent ministres, mais pas l’inverse. Cela montre que la Ve République n’a pas tout prévu. Il y a un trou dans la raquette dans la séparation des pouvoirs.
– Léa Balage, députée écologiste
En parallèle de cette initiative écologiste, le groupe communiste au Sénat a déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à limiter à 8 jours la durée d’un gouvernement démissionnaire et à empêcher tout cumul entre fonctions ministérielles et mandat de député.
L’enjeu de l’équilibre des pouvoirs
Au-delà du cas d’espèce, c’est bien la question de l’équilibre des pouvoirs et de la séparation entre exécutif et législatif qui est posée. Un enjeu institutionnel de premier plan, alors que l’Assemblée nationale est privée de majorité absolue et que le gouvernement est plus que jamais sous pression.
Le Conseil d’Etat, puis potentiellement le Conseil constitutionnel, auront donc la lourde tâche de clarifier les règles du jeu et de fixer les limites à ne pas franchir. Une décision très attendue, qui pourrait faire date et obliger à revoir en profondeur le fonctionnement de nos institutions.