Plus de deux semaines après les élections législatives qui ont vu la gauche unie devenir la première force à l’Assemblée nationale, le suspense autour de la nomination du futur Premier ministre touche à sa fin. Mais probablement pas de la manière espérée par le Nouveau Front populaire (NFP). Après de longues tractations en interne, l’alliance de gauche a fini par s’entendre mardi sur le nom de Lucie Castets, haute fonctionnaire de la ville de Paris totalement inconnue du grand public, pour prendre la tête de Matignon. Une proposition immédiatement rejetée par Emmanuel Macron.
Un choix surprise qui ne passe pas
Le NFP espérait sans doute mettre la pression sur le président de la République à la veille de son interview sur France 2 et Radio France, en officialisant in extremis son choix pour Matignon. Peine perdue. Interrogé sur cette proposition inattendue, Emmanuel Macron a botté en touche, assurant qu’« il est faux de dire que le Nouveau Front populaire aurait une majorité, quelle qu’elle soit ». Et de couper court à toute discussion : « La question n’est pas un nom. La question, c’est quelle majorité peut se dégager à l’Assemblée ».
Toutes celles et ceux qui font partie de nos électeurs, mais aussi des gens qui n’ont pas voté pour nous ou d’autres qui n’ont pas voté du tout, attendent avec impatience ces mesures de justice sociale. Chaque jour que fait perdre le chef de l’État, il les prend à ces personnes.
Marine Tondelier, patronne des Écologistes
Mélenchon dénonce un “détournement coupable”
Un refus qui passe mal à gauche. Pour Jean-Luc Mélenchon, fondateur de La France insoumise, le locataire de l’Élysée « refuse le résultat de l’élection et veut imposer de force son nouveau Front républicain et obliger [la gauche] à renoncer à [son] programme pour faire une alliance avec lui ». L’ancien candidat à la présidentielle estime qu’Emmanuel Macron « doit se soumettre ou se démettre », reprenant la célèbre saillie de Gambetta à Mac-Mahon en 1877.
Même tonalité du côté du premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, pour qui « le Front républicain n’est pas un programme, mais un réflexe démocratique ». Le député de Seine-et-Marne fustige un « détournement coupable » : « Quand on convoque des élections au risque du chaos, on en respecte le résultat. Le déni est la pire des politiques. »
La gauche appelle Macron à “respecter la démocratie”
Les propos d’Emmanuel Macron appelant les groupes parlementaires, à l’exception du Rassemblement national, à travailler ensemble pour « l’intérêt supérieur » du pays, ont également fait bondir Marine Tondelier. « Nous avons gagné cette élection législative, alors certes nous n’avons pas la majorité absolue, mais un programme. Je ne vois pas quelle autre coalition [en] a », a taclé la patronne des Écologistes. Appelant le président à respecter la « logique institutionnelle » en nommant un gouvernement en phase avec la nouvelle Assemblée.
Emmanuel Macron ne propose pas une trêve olympique, mais la suspension de la démocratie.
Mathilde Panot, cheffe de file des députés LFI
Le bras de fer semble donc parti pour durer entre un président qui refuse de « se soumettre » à la nouvelle donne à l’Assemblée, quitte à être accusé de « déni de démocratie », et une gauche ragaillardie par sa victoire relative aux législatives, bien décidée à imposer sa marque sur le quinquennat qui s’ouvre. Dans ce contexte, difficile d’imaginer un dénouement rapide à la crise politique qui s’est ouverte au soir du second tour. Les Français risquent de devoir s’armer de patience avant de connaître le nom de leur prochain Premier ministre.