Au cœur d’une crise économique sans précédent, le Nigeria vient de prendre une décision audacieuse : doubler son salaire minimum. Une mesure qui suscite autant d’espoir que d’interrogations dans ce géant d’Afrique de l’Ouest, où l’inflation bat des records et le mécontentement social gronde.
Un geste fort face à une situation critique
Avec une inflation ayant atteint 34,19% en juin, et même 40,87% pour les denrées alimentaires, les Nigérians voient leur pouvoir d’achat fondre comme neige au soleil. Face à cette urgence, l’assemblée nationale a adopté mardi un projet de loi visant à faire passer le salaire minimum mensuel de 30 000 à 70 000 nairas, soit environ 39,60 euros.
L’adoption de ce projet de loi était importante pour le peuple nigérian.
– Godswill Akpabio, président du Sénat
Cette hausse substantielle intervient alors que le président Bola Tinubu, investi en mai, a mis fin à une coûteuse subvention des carburants et assoupli le contrôle des changes, déclenchant une envolée des prix. Un cocktail explosif dans un pays où plus de 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Des syndicats sur le qui-vive
Si les syndicats ont finalement accepté cette augmentation après des mois de négociations tendues, elle reste bien en deçà de leurs revendications initiales. Le nouveau salaire s’appliquera aux travailleurs fédéraux, mais beaucoup craignent que les États et le secteur privé ne suivent pas.
C’est un premier pas, mais il faudra aller plus loin pour permettre aux Nigérians de vivre décemment de leur travail.
– Ayuba Wabba, président du Congrès des syndicats nigérians
Ces derniers mois, le pays a connu une vague de grèves touchant de nombreux secteurs, des enseignants aux personnels de santé. Et les appels à manifester contre les politiques de Bola Tinubu se multiplient sur les réseaux sociaux.
Un pari risqué pour relancer l’économie ?
Pour le gouvernement, cette hausse historique du salaire minimum est un mal nécessaire pour redonner du pouvoir d’achat et stimuler la consommation. Mais les économistes sont divisés sur ses effets à long terme :
- Risque inflationniste accru
- Creusement du déficit budgétaire
- Baisse de la compétitivité des entreprises
Autant de défis pour la première économie d’Afrique, qui mise sur les réformes de Bola Tinubu pour attirer les investisseurs et sortir de la récession. Un pari loin d’être gagné dans un climat social toujours aussi tendu.
L’équation impossible du Nigeria
Avec plus de 220 millions d’habitants, le Nigeria concentre tous les espoirs et les contradictions du continent africain. D’un côté, une jeunesse nombreuse, connectée et entreprenante. De l’autre, un chômage de masse, des inégalités criantes et une corruption endémique.
En doublant le salaire minimum, le président Tinubu envoie un signal fort. Mais beaucoup doutent que cela suffise à réduire la pauvreté et à construire une classe moyenne, clé de la stabilité du pays. Car sans création massive d’emplois et investissements dans l’éducation et la santé, le chemin vers l’émergence restera semé d’embûches.
Le pari du salaire minimum est donc avant tout un test pour la nouvelle administration. Saura-t-elle réconcilier les Nigérians avec leur État et bâtir un nouveau contrat social ? L’avenir du pays, et peut-être du continent, en dépend.