C’était le grand soir. Au premier tour des élections législatives, le Rassemblement National avait réuni plus de 10,6 millions de voix, soit 33,15% des suffrages exprimés. Un raz-de-marée sans précédent, qui laissait présager une percée historique du parti à la flamme à l’Assemblée nationale. Mais une semaine plus tard, la douche froide : avec “seulement” 142 élus, le RN ne constitue finalement que la troisième force politique au Palais Bourbon. Pire, il n’obtient aucun poste clé dans l’hémicycle. Un camouflet démocratique qui suscite l’incompréhension et la colère de ses électeurs.
Un “déni de démocratie” pour les sympathisants RN
Pour Margot, 28 ans, consultante et électrice RN depuis 2019, le constat est amer : “Je me suis dit, ça y est, on peut accéder au pouvoir. Et puis finalement, on nous invisibilise complètement à l’Assemblée, comme si nos voix ne comptaient pas. C’est un déni de démocratie !” Un sentiment largement partagé parmi les sympathisants du parti lepéniste, qui dénoncent un “système” cherchant à les exclure malgré leur poids dans les urnes.
On nie la pensée de 11 millions de Français.
Marine Le Pen, cheffe de file du RN
Face à cette situation, Marine Le Pen n’a pas mâché ses mots. Pour elle, l’absence de postes clés accordés à son parti relève du mépris envers ses électeurs : “On nie la pensée de 11 millions de Français. On a le sentiment qu’ils sont quantité négligeable et qu’ils n’ont pas été entendus.”
Un vote protestataire qui peine à se faire entendre
Plus qu’une adhésion totale au programme du RN, le vote en faveur du parti traduit souvent un profond mécontentement envers le système en place. Mais faute de représentation adéquate à l’Assemblée, cette colère peine à trouver un exutoire politique. Un scrutin marqué par une abstention record de près de 54%, signe d’une crise de représentativité majeure.
Pour Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop, ce camouflage des électeurs RN risque d’aggraver le fossé entre le peuple et ses représentants : “Il y a un vrai risque de radicalisation d’une partie de cet électorat, qui a le sentiment de ne pas être écouté et respecté. C’est une bombe à retardement démocratique.”
Vers une guerre d’usure à l’Assemblée ?
Malgré ce revers, le RN compte bien peser de tout son poids au Palais Bourbon. Fort de son groupe de 142 députés, le parti d’extrême droite entend mener une opposition frontale, usant de tous les outils à sa disposition pour bousculer la majorité relative d’Emmanuel Macron. Motions de censure, amendements, questions au gouvernement… Les électeurs RN attendent de leurs élus qu’ils mènent la vie dure au camp présidentiel, quitte à enrayer la machine parlementaire.
Une stratégie de harcèlement institutionnel qui pourrait cependant se retourner contre le RN, accusé d’obstruction stérile. Le parti devra donc jouer finement pour incarner une opposition ferme mais constructive. Un équilibre subtil, pour ne pas s’aliéner davantage une opinion publique dubitative. Le défi des cinq prochaines années s’annonce ardu pour Marine Le Pen et ses troupes, condamnées à cogner fort pour exister, sans se couper de cet électorat populaire volatil qui fait sa force mais aussi sa faiblesse.