Sur l’île de Majorque, les relations entre habitants et touristes n’ont jamais été aussi tendues. Ce dimanche, une marée humaine a envahi les rues de Palma, la capitale, pour dénoncer les excès d’un tourisme de masse jugé incontrôlable. Venus des quatre coins de l’île, près de 20 000 manifestants selon la police ont exprimé leur ras-le-bol face à un modèle touristique qui étouffe leur territoire.
Une île sous pression
Avec 1,2 million de résidents permanents pour près de 18 millions de visiteurs en 2022, un nouveau record, les Baléares et Majorque en particulier croulent littéralement sous le poids des touristes. Les manifestants dénoncent la surpopulation, la saturation des services publics et des infrastructures, la dégradation de l’environnement et la flambée des prix de l’immobilier qui chassent les locaux.
Votre luxe, notre misère
Slogan sur une pancarte de manifestant
De nombreux participants arboraient des pancartes en anglais ciblant directement les touristes : “Nomades numériques, rentrez chez vous !” pouvait-on lire. D’autres résumaient l’équation sur leur panneau : “1 232 014 résidents, 18 millions de touristes, stop !”.
Un point de rupture
Cette manifestation monstre, la deuxième depuis le début de l’année, marque un point de rupture. Les 80 organisations à l’origine de la mobilisation estiment que le seuil du supportable est largement dépassé. Elles pointent du doigt un modèle qui ne profite qu’à une minorité et réclament des mesures d’urgence pour réguler les flux.
La fixation des règles du jeu devrait revenir aux propriétaires locaux, de même que la décision ou non d’accepter certains formats touristiques.
Jose Maria Ezquiaga, architecte et urbaniste
Vers une taxe tourisme ?
Parmi les pistes évoquées, l’instauration d’une taxe tourisme fait son chemin. Pour l’expert Manuel de la Calle, cela permettrait de générer des recettes à réinjecter dans la gestion des flux ou dans des mesures en faveur de la population locale. Mais pour l’heure, le gouvernement régional se montre hésitant à contrarier la poule aux œufs d’or, qui représente 45% du PIB de l’archipel.
Face au mécontentement grandissant, les autorités devront pourtant rapidement trouver un nouveau point d’équilibre. Sous peine de voir Majorque, joyau des Baléares, se transformer en symbole mondial des dérives d’un tourisme incontrôlé. La révolte des Majorquins sonne comme un avertissement pour toutes les destinations victimes d’un surtourisme qui sacrifie le bien-être des locaux sur l’autel des profits à court terme.