Ils sont venus, ils étaient des milliers, ils ne lâcheront rien. Ce week-end, les militants opposés aux « bassines », ces vastes réserves d’irrigation agricole, ont réussi leur pari : un rassemblement « extrêmement massif » dans les Deux-Sèvres pour réclamer un moratoire sur ces projets controversés. Et ils comptent bien poursuivre le combat.
Depuis mardi, les anti bassines avaient établi leur camp de base à Melle, le « Village de l’eau », sans aucune présence policière à l’horizon. Un havre de paix et de mobilisation qui a culminé samedi avec une manifestation ayant réuni entre 6000 et 10000 personnes selon les sources, émaillée de quelques heurts.
Mais pour les organisateurs, dont le collectif « Bassines Non Merci », l’essentiel est ailleurs. Cette semaine de rassemblement a permis de « demander un moratoire et visibiliser la filière agro-industrielle, remonter aux sources des problématiques des bassines », se félicite Johanne Rabier, porte-parole du mouvement. Loin de se décourager, les militants semblent remotivés : « On ne va pas s’arrêter, c’est vital ».
Un bilan positif malgré les tensions
La manifestation de samedi a certes été marquée par quelques incidents, avec 9 blessés légers et 7 interpellations selon la préfecture. Mais le spectre des violents affrontements de Sainte-Soline en mars dernier ne s’est pas reproduit. « On a réussi sans tomber dans le piège » tendu par ceux qui voulaient en découdre, se réjouit Julien Le Guet de Bassines Non Merci.
Du côté des syndicats agricoles, la FNSEA salue la « retenue » des agriculteurs à qui elle avait lancé un appel au calme. La Coordination rurale, qui souhaitait venir « protéger les fermes », a finalement peu mobilisé. De quoi conforter les anti bassines dans leur choix d’une mobilisation pacifique mais déterminée.
Vers une convergence des luttes
Pour les opposants, cette semaine de rassemblement est un tournant. « On n’a jamais été aussi près d’un moratoire sur les bassines », veut croire Julien Le Guet. Surtout, elle a permis une convergence des luttes autour de la question de l’eau et de l’agro-industrie :
On a semé de très belles graines et il y aura un avant et un après Village de l’eau.
Julien Le Guet, porte-parole de Bassines Non Merci
Installées pour pallier le manque d’eau dû au dérèglement climatique, les méga-bassines cristallisent les tensions autour du partage de l’eau. Leurs opposants dénoncent un « accaparement » de la ressource par l’agro-industrie et des cultures gourmandes en eau comme le maïs.
Le gouvernement sous pression
Alors que de nouveaux projets de bassines voient le jour partout en France, le mouvement d’opposition ne faiblit pas, mettant la pression sur le gouvernement. Mi-juin, le Conseil d’État a enjoint l’État à prendre des mesures pour réduire les prélèvements d’eau à usage agricole.
Quelques jours plus tard, le Parlement a voté une loi encadrant mieux les bassines, avec une meilleure transparence et participation du public. Mais sans aller jusqu’au moratoire réclamé par les militants écologistes. La bataille de l’eau ne fait sans doute que commencer.
