C’est un nouveau rebondissement dans la saga de l’élection à la présidence de l’Assemblée nationale. Samedi 20 juillet, La France insoumise (LFI) a déposé un recours devant le Conseil constitutionnel contre la participation au vote des ministres-députés lors du scrutin qui a vu la réélection de Yaël Braun-Pivet au perchoir. Une décision qui risque d’enflammer encore davantage le débat sur la séparation des pouvoirs législatif et exécutif.
Le cœur du litige : le vote des ministres-députés
Tout a commencé le 19 juillet dernier, lors de l’élection du président de l’Assemblée nationale. Yaël Braun-Pivet l’a emporté avec seulement 13 voix d’avance face au candidat du Nouveau Front populaire, André Chassaigne. Mais ce sont surtout les 17 voix des ministres-députés qui ont fait basculer le scrutin, suscitant l’ire des oppositions. Car sans ces voix, André Chassaigne aurait sans doute accédé au perchoir.
C’est sur ce point précis que se focalise le recours de La France insoumise. Mathilde Panot, cheffe de file des députés LFI, dénonce une “violation de la séparation des pouvoirs” :
La participation de 17 ministres au vote pour la présidence de l’Assemblée est une violation de la séparation des pouvoirs.
– Mathilde Panot, sur Twitter
L’article 23 de la Constitution en question
LFI s’appuie sur l’article 23 de la Constitution, qui dispose que “les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire”. Un principe de séparation des pouvoirs exécutif et législatif qui est au cœur de nos institutions.
Mais la loi organique qui précise les modalités d’application de cet article laisse une certaine marge d’interprétation. Elle prévoit en effet que l’incompatibilité “prend effet à l’expiration d’un délai d’un mois” après la nomination au gouvernement, sauf en cas de gouvernement démissionnaire. De quoi semer le doute sur le statut exact des ministres-députés…
Les constitutionnalistes divisés
Face à ce casse-tête juridique, les experts en droit constitutionnel sont partagés. Certains considèrent que les ministres-députés pouvaient légitimement participer au vote, en s’appuyant sur un précédent datant de 1988. D’autres estiment au contraire que la suspension de l’incompatibilité en cas de gouvernement démissionnaire n’autorise pas pour autant les députés à voter.
Le Conseil constitutionnel va donc devoir trancher. Mais il a déjà jugé à deux reprises, en 1986 et 2007, qu’il était incompétent pour se prononcer sur la légalité de l’élection du président de l’Assemblée nationale. Tout dépendra donc du contenu exact du recours de La France insoumise.
Une nouvelle crise politique en perspective ?
Au-delà de la bataille juridique, c’est bien une nouvelle crise politique qui se profile. L’Assemblée nationale, déjà très fragmentée depuis les élections législatives, risque de s’enfoncer encore davantage dans les querelles partisanes.
Et ce d’autant plus que le Nouveau Front populaire a réussi un véritable coup de force en s’emparant de la majorité absolue au sein du bureau de l’Assemblée, lors d’une nuit d’élection rocambolesque. Un camouflet pour la majorité présidentielle, qui va devoir composer avec une Assemblée de plus en plus hostile.
Quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel, une chose est sûre : l’Assemblée nationale n’a pas fini de faire parler d’elle. Et la question de la séparation des pouvoirs risque de s’inviter durablement dans le débat public, au cœur d’une nouvelle législature déjà bien agitée.