Dans une vidéo coup de poing publiée sur les réseaux sociaux, le député François Ruffin n’y va pas avec le dos de la cuillère. L’ex-insoumis, désormais apparenté au groupe écologiste, dénonce avec virulence la “nullité” de la gauche française, incapable selon lui de s’entendre sur un nom pour Matignon malgré l’alliance du Nouveau Front populaire (NFP) actée après la dissolution de l’Assemblée nationale.
Répondant à une électrice de gauche “dégoûtée”, l’élu de la Somme regrette que l’union de la gauche, scellée dans l’urgence des élections anticipées, ait rapidement volé en éclats sur la question cruciale du Premier ministre. “Ça recommence, ça recommence, ça fait deux semaines, on n’est pas foutus de donner un nom pour Matignon”, s’agace François Ruffin, pointant du doigt l’incapacité chronique des forces de gauche à transcender leurs différences.
Un constat implacable : la gauche “aime perdre”
Au-delà des querelles de personnes et d’appareils, François Ruffin s’interroge sur la volonté réelle de la gauche d’exercer le pouvoir. “Je me dis même maintenant : mais ils aiment perdre, c’est le choix de la défaite, ils veulent pas gagner, ils veulent pas gouverner”, assène-t-il, dépeignant une famille politique plus à l’aise dans l’opposition que dans la prise de responsabilités.
Il y a la possibilité, peut-être, d’essayer de prendre le pouvoir, peut-être pas tout le pouvoir, mais des bouts du pouvoir pour en faire quelque chose : pour les salaires, pour les frigidaires, pour les découverts des gens, pour leurs horaires.
François Ruffin, député apparenté EELV
Pour le député, les forces de gauche disposent aujourd’hui d’une opportunité historique d’impulser un véritable changement dans la vie des Français, à condition de mettre leurs egos de côté. Mais faute de s’accorder sur l’essentiel, elles risquent selon lui de se condamner durablement à l’impuissance.
Une charge sans concession contre les “cinémas” de la gauche
Refusant la langue de bois, François Ruffin épingle sans ménagement les “cinémas” et les postures des uns et des autres, qui paralysent toute discussion constructive sur le programme et la stratégie. “Stop ! Arrêtez le cinéma ! Vous voulez pas y aller ? Vous ne voulez pas y aller, mais dites-le !”, s’emporte-t-il, appelant chaque formation à clarifier ses intentions réelles.
Cette charge au vitriol intervient alors que la gauche, arrivée en tête des législatives anticipées le 7 juillet mais loin de la majorité absolue, peine à transformer l’essai, prisonnière de ses divergences et de ses féodalités. Sommée de proposer un Premier ministre à Emmanuel Macron, elle tergiverse et se déchire entre plusieurs noms, donnant une piètre image d’unité.
Le spectre d’un nouvel échec pour la gauche française
Au-delà du cas Ruffin, cette séquence illustre le mal endémique d’une gauche française écartelée entre ses chapelles, prompt à se rassembler dans l’adversité mais incapable de gouverner ensemble durablement. Un mal qui n’est pas nouveau, mais prend une dimension toute particulière au moment où elle tient, enfin, les clés d’un destin national trop longtemps confisqué.
Si elle ne parvient pas à surmonter ses vieux démons, la gauche pourrait une nouvelle fois passer à côté d’un rendez-vous crucial avec l’Histoire. Et donner raison, a posteriori, au constat désabusé de François Ruffin : celui d’une famille politique qui a fait, consciemment ou non, le choix de la défaite. Une hypothèse que les électeurs de gauche, en quête d’alternance et de changement, auront du mal à pardonner.
