Un contraste saisissant entre deux mondes, deux réalités qui semblent s’éloigner inexorablement. Alors qu’aux États-Unis, les préoccupations des populations défavorisées, celles que Hillary Clinton nommait avec dédain “les déplorables”, sont placées au cœur de la campagne présidentielle par le candidat républicain, en France, ce que le géographe Christophe Guilluy appelle “la France d’en bas” semble au contraire de plus en plus ostracisée, victime du “nihilisme d’en haut“.
L’Amérique des oubliés au centre du jeu
En intronisant James David Vance comme colistier, Donald Trump a fait un choix symbolique fort. Cet enfant d’un milieu pauvre devenu sénateur et multimillionnaire s’est érigé en héraut de la classe ouvrière blanche décimée par la désindustrialisation. Son parcours et son engagement sont un message clair aux laissés-pour-compte : vos préoccupations comptent, votre voix sera entendue.
C’est toute une Amérique périphérique, rurale et populaire, qui se sent ainsi réhabilitée et remise au centre du jeu politique et médiatique. Celle que les démocrates avaient fini par négliger, obnubilés par leurs électorats urbains, diplômés et “divers”.
Le vote RN ou la revanche des “invisibles”
Pendant ce temps, de ce côté-ci de l’Atlantique, ceux qui votent pour le Rassemblement National ont bien des raisons de se sentir exclus, méprisés, réduits à l’état de pestiférés. On a même tenté d’écarter leurs députés des postes à responsabilité à l’Assemblée, au mépris des usages démocratiques.
Ce vote est pourtant l’expression d’une France populaire qui ne se sent plus entendue ni représentée, qui a le sentiment d’être la grande oubliée des politiques publiques et du débat national. Une France des “invisibles” pour qui le bulletin RN est devenu le moyen ultime de rappeler son existence et sa colère aux élites.
Les élites, coupées des réalités, ne comprennent plus les aspirations profondes qui traversent le pays.
Eric Zemmour
La surdité et le mépris des élites françaises
Car il faut bien le constater : à quelques rares exceptions près, nos élites politiques, médiatiques et culturelles n’ont que mépris et condescendance pour ces Français-là. On les renvoie à leur prétendu racisme, leur absence supposée de “valeurs républicaines”, sans chercher à comprendre les racines de leur mal-être et les raisons de leur vote.
C’est ce fossé grandissant, véritable “sécession” dénoncée par Jérôme Fourquet, qui nourrit le vote contestataire et alimente le sentiment que deux France irréconciliables se font désormais face. Un dialogue de sourds lourd de menaces pour la cohésion nationale.
Pour une élite à l’écoute du peuple
Il est plus que temps, crucial même, que nos dirigeants et nos “sachants” renouent avec le pays réel, ses difficultés et ses aspirations. Qu’ils réapprennent à parler à tous les Français et à porter un projet incluant chacun. C’est à ce prix que l’on pourra apaiser les tensions et recréer un destin commun.
Car persister dans l’ignorance hautaine des “déplorables” de l’Hexagone, c’est prendre le risque d’une fracture irrémédiable. Quand le peuple se sent incompris et rejeté, il finit toujours par se faire entendre. Souvent dans la douleur. Les élites françaises feraient bien de méditer l’avertissement.