Tel un funambule sur son fil, le marché pétrolier tente de garder l’équilibre ces derniers jours. Mais dans un contexte d’incertitudes multiples, la prudence reste de mise chez les opérateurs. Jeudi, les cours du pétrole ont ainsi terminé proche de l’équilibre, sans réelle conviction.
Le prix du baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en septembre a emmagasiné un maigre 0,03%, pour clôturer à 85,11 dollars. Son homologue américain, le baril de West Texas Intermediate (WTI) avec échéance en août, s’est même légèrement effrité de 0,04%, à 82,82 dollars. Des variations minimes reflétant l’attentisme qui règne actuellement.
L’Opep et la demande mondiale en question
Plusieurs facteurs alimentent les doutes des investisseurs. En premier lieu, les intentions de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et de ses alliés restent floues. Alors que certains membres comme la Russie et l’Arabie Saoudite ont procédé à des baisses unilatérales de production ces derniers mois, le cartel prévoit officiellement de revenir sur ces coupes à partir d’octobre. Mais le conditionnel reste de mise.
Les opérateurs s’inquiètent de voir un membre important augmenter sa production pour profiter des prix actuels.
– Bill O’Grady, analyste chez Confluence Investment
Selon des sources citées par Bloomberg, aucun changement ne serait finalement attendu lors de la prochaine réunion de l’Opep+ le 1er août. De quoi laisser planer le doute et freiner les velléités haussières. D’autant que dans le même temps, la santé de la demande mondiale suscite des interrogations, sur fond de ralentissement économique, notamment aux États-Unis.
Un marché de l’emploi américain en berne
Dernier signal en date : la hausse plus forte que prévu des inscriptions hebdomadaires au chômage outre-Atlantique. Un chiffre qui laisse augurer un certain fléchissement du marché du travail, avec à la clé de possibles conséquences sur la politique monétaire de la Fed et donc, in fine, sur la demande de brut.
Ce n’est pas parce que la Fed réduit son taux d’un quart de point que les gens vont prendre leur voiture et se mettre à rouler.
– Bill O’Grady
Pour l’analyste, des baisses de taux pourraient certes limiter la montée du chômage et donc soutenir indirectement la demande de pétrole. Mais il tempère : “en général, il faut des changements brutaux pour modifier la demande”.
Entre craintes de surproduction et de sous-demande
Résultat, le marché évolue dans un tunnel étroit depuis plusieurs semaines, tiraillé entre des inquiétudes contradictoires. D’un côté, la crainte que l’Opep ouvre à nouveau ses vannes freine les paris haussiers. De l’autre, le spectre d’une demande atone empêche de jouer franchement la baisse, le marché restant relativement tendu.
“Donc, on est coincé”, résume Bill O’Grady. Une situation inconfortable appelée à perdurer tant que les brumes entourant l’offre et la demande ne se seront pas dissipées. En attendant, opérateurs et investisseurs naviguent à vue, scrutant le moindre signal susceptible de faire pencher la balance. Avec toujours en arrière-plan la crainte d’un retournement brutal.
Car si les cours semblent anesthésiés ces derniers temps, ils n’en restent pas moins à la merci d’un regain de volatilité. Les tensions géopolitiques, l’évolution de la conjoncture mondiale ou encore les soubresauts des marchés financiers sont autant de facteurs susceptibles de réveiller brusquement les prix. Dans ce contexte, la prudence reste plus que jamais de mise pour quiconque s’aventure sur ce marché toujours prompte à sanctionner le moindre faux pas. Le pétrole n’a décidément pas fini de faire parler de lui.