Depuis le week-end dernier, le Vieux-Port de Marseille est le théâtre d’une occupation inhabituelle. Une cinquantaine de migrants se prétendant mineurs se sont installés dans l’église Saint-Ferréol pour protester contre leur expulsion annoncée de plusieurs squats. Cette action coup de poing, orchestrée par des militants pro-migrants, a rapidement enflammé le débat sur l’accueil des jeunes exilés dans la cité phocéenne et au-delà.
Le refuge dans l’église : un appel au secours
Selon les occupants et leurs soutiens, il s’agit de jeunes migrants qui se présentent comme mineurs isolés mais qui ont été considérés comme majeurs par le conseil départemental. En attente de recours, ils risquent désormais l’expulsion de leurs lieux de vie précaires. Pour ces exilés en quête de protection, investir ce lieu de culte apparaît comme un ultime recours pour faire entendre leur voix.
Nous avons le soutien du diocèse dans notre démarche.
– Anouk, militante pro-migrants
Les militants assurent bénéficier du soutien du diocèse, comme lors d’une précédente occupation en 2017 dans cette même église. Mais cette nouvelle action suscite aussi des réactions indignées, à l’image de l’élu Stéphane Ravier venu exprimer son mécontentement sur place.
Une situation qui cristallise les tensions
Au-delà du sort de ces jeunes migrants, c’est toute la question de la politique d’accueil des mineurs isolés qui se retrouve sur le devant de la scène. Entre devoir de protection de l’enfance et lutte contre l’immigration irrégulière, la ligne est souvent difficile à tenir pour les autorités.
- D’un côté, les associations pointent les défaillances dans la prise en charge de ces jeunes vulnérables et réclament plus de moyens et d’humanité.
- De l’autre, les partisans d’une ligne dure dénoncent un appel d’air et des abus du système de protection, appelant à des reconduites à la frontière.
Entre ces positions antagonistes, l’opinion publique semble partagée, oscillant entre compassion et ras-le-bol face à un phénomène perçu comme subi. Et pendant ce temps à Marseille, malgré la période caniculaire, des dizaines d’exilés s’accrochent à leur fragile refuge dans l’église Saint-Ferréol, espérant un geste des autorités.
Un révélateur des failles du système
Si le cas de l’église marseillaise est particulièrement frappant, il est loin d’être isolé. Partout en France, la question des mineurs non accompagnés peine à trouver une réponse satisfaisante, mettant en lumière les carences d’un système débordé.
Evaluation de la minorité sujette à caution, manque de places d’hébergement, accompagnement socio-éducatif insuffisant… Les défis sont nombreux pour offrir à ces jeunes un accueil digne, comme l’exige la Convention internationale des droits de l’enfant.
Les pouvoirs publics doivent entendre le désarroi de ces jeunes et apporter des réponses humanistes.
– Un responsable associatif
Mais dans un contexte de tensions sur l’immigration, la tentation est grande de restreindre leur accès à la protection au risque de les livrer à la précarité. Un dilemme cornélien pour l’État, pris entre injonctions contradictoires.
L’urgence d’un débat apaisé
Au final, l’occupation de l’église marseillaise par ces migrants agit comme un puissant révélateur des impensés et des crispations qui traversent la société française sur ces enjeux. Loin des postures et des amalgames, il y a urgence à poser les bases d’un débat apaisé et constructif.
Car au-delà de ce symbole local, c’est bien un défi national qui se joue : celui de définir une politique migratoire qui concilie fermeté et humanité, dans le respect du droit et de la dignité de chacun. Un chantier aussi complexe que nécessaire, pour ne pas laisser la question migratoire fracturer davantage la cohésion sociale.
À Marseille, le sort des jeunes exilés de Saint-Ferréol reste plus que jamais en suspens, suspendu aux décisions des autorités et à la mobilisation de leurs soutiens. Leur histoire singulière résonne comme un appel à ne pas détourner le regard de ces destins ballotés aux portes de l’Europe. Un test grandeur nature pour notre capacité collective à faire société avec notre part d’altérité.