Imaginez que du jour au lendemain, votre vie bascule dans un enfer de maltraitance et d’exploitation. C’est le cauchemar vécu par des millions de domestiques africaines parties travailler au Moyen-Orient, la plupart avec l’espoir d’un avenir meilleur. Mais derrière les promesses se cache souvent une réalité sordide : abus, viols, séquestration, allant parfois jusqu’à la mort. Pourtant, certains pays d’Afrique ont signé des accords bilatéraux censés protéger leurs ressortissantes. Mais sur le terrain, c’est un tout autre constat. Au Kenya, un procès sans précédent vient de s’ouvrir. Douze femmes ont décidé de briser le silence pour dénoncer l’inaction de leur gouvernement face à ce fléau. Leurs témoignages mettent en lumière l’urgence d’une mobilisation internationale.
Un procès historique au Kenya
Mediatricks Khasandi, 34 ans, fait partie des plaignantes. Comme les autres, elle a vécu l’enfer des domestiques au Moyen-Orient. Devant la justice, ces femmes en colère dénoncent un système proche de l’esclavage moderne. Elles accusent leur gouvernement de les avoir envoyées à l’abattoir en toute connaissance de cause, sans les informer des risques ni assurer leur protection. Pire, elles affirment que les autorités ont fermé les yeux sur leur sort, les abandonnant à leur détresse.
On nous avait promis un bon salaire et de bonnes conditions. Mais dès mon arrivée, j’ai déchanté. J’étais séquestrée, brutalisée, affamée. J’ai été violée à plusieurs reprises par mon employeur. Quand j’ai voulu fuir, on m’a menacée de mort. Je n’étais plus une personne, juste un objet.
– Mediatricks Khasandi, plaignante
Leur avocat parle d’un véritable trafic d’êtres humains orchestré en toute impunité. Il pointe la responsabilité de l’État kényan, qui a signé des accords avec plusieurs pays comme l’Arabie saoudite, le Qatar et le Liban pour y envoyer des travailleurs. Mais sans jamais mettre en place de réel suivi ni de dispositif pour garantir leur sécurité et le respect de leurs droits.
Les destinations de tous les dangers
L’Arabie saoudite est tristement réputée pour les mauvais traitements infligés aux employés de maison étrangers, en particulier africains. En avril dernier, le rapatriement en urgence de 70 000 travailleurs éthiopiens, avec l’aide de l’ONU, en dit long sur l’ampleur du problème. Un rapport accablant de Human Rights Watch évoque même de potentiels crimes contre l’humanité, faisant état d’exécutions de masse perpétrées par les gardes-frontières saoudiens sur des migrants éthiopiens.
Le cas du Liban est tout aussi préoccupant. Le système de la kafala y fait des ravages parmi les domestiques migrantes, les maintenant dans une situation de quasi-esclavage. Les employeurs confisquent leurs papiers et exercent sur elles un contrôle total, en toute impunité. Isolées, sans défense, beaucoup sont victimes de sévices et d’abus sexuels. Certaines, désespérées, vont jusqu’à se suicider pour échapper à ce calvaire.
Briser l’omerta
La peur, la honte et les menaces maintiennent beaucoup de victimes dans le silence. Celles qui osent parler ou porter plainte se heurtent souvent au mépris et à l’inaction des autorités de leur pays. C’est pourquoi le procès qui s’ouvre au Kenya revêt une portée symbolique forte. Pour la première fois, des femmes brisent collectivement l’omerta pour exiger des comptes. Leur démarche pourrait faire jurisprudence et inciter d’autres victimes à sortir du silence.
Aujourd’hui, nous reprenons le pouvoir sur nos vies. En attaquant le gouvernement, nous voulons forcer les choses à changer. Pour que plus jamais une femme n’ait à subir ce que nous avons enduré. Nous nous battons pour notre dignité et celle de toutes les travailleuses domestiques.
– Une des plaignantes
Une mobilisation urgente
Au-delà de ce procès, c’est une prise de conscience globale qui s’impose. Les accords bilatéraux sur les travailleurs migrants doivent être revus pour inclure des mesures contraignantes de protection. Un suivi strict et des sanctions sont nécessaires en cas de violation des droits. Les victimes doivent pouvoir accéder à la justice et obtenir réparation.
Les témoignages de ces femmes courageuses sont un signal d’alarme. Ils mettent en lumière une réalité insoutenable qui ne peut plus être ignorée. Face à ce fléau, c’est une mobilisation internationale qui s’impose. Gouvernements, organisations et société civile doivent unir leurs forces pour protéger et défendre ces travailleuses vulnérables. Il en va de notre humanité. Car fermer les yeux sur leur sort, c’est nous rendre complices de leur asservissement.