Scandale ou simple mise au point ? Les agios forfaitaires facturés par les banques à leurs clients sont dans le viseur de Bercy. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire vient en effet de mandater le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) pour plancher sur ces frais, souvent décriés mais rarement remis en cause. Une initiative qui pourrait faire bouger les lignes dans un secteur où la transparence n’est pas toujours de mise.
Agios forfaitaires : de quoi parle-t-on exactement ?
Contrairement aux idées reçues, les agios ne se limitent pas aux seuls intérêts débiteurs facturés en cas de découvert. Les banques appliquent également des frais forfaitaires, quel que soit le montant ou la durée du découvert. Des sommes qui peuvent rapidement grimper :
- Frais fixes de 5 à 10 euros par incident
- Agios proportionnels de 15 à 20% du découvert
- Commissions d’intervention pouvant atteindre 80 euros par mois
Au total, ces frais représentent un tiers des revenus des banques de détail sur les particuliers. Un pactole dont elles n’entendent pas se priver, quitte à manquer de pédagogie sur le sujet.
Le gouvernement s’empare du dossier
Mais ce business model pourrait bientôt vaciller. Dans une lettre de mission adressée à la présidente du CCSF, Bruno Le Maire demande en effet que les prochains travaux du comité « intègrent une analyse détaillée des facturations liées aux découverts » et notamment « l’application des agios forfaitaires ». Une requête lourde de sens à l’heure où le pouvoir d’achat est dans toutes les têtes.
L’époque n’est plus aux chèques en blanc pour les banques. Nous attendons d’elles plus de transparence et de pédagogie sur leurs pratiques.
Bruno Le Maire, ministre de l’Économie
Vers une remise à plat des frais bancaires ?
Au-delà des seuls agios, Bercy entend profiter de cette mission pour remettre à plat l’ensemble des frais bancaires. Garanties obsèques, assurance emprunteur, accidents de la vie… Aucun sujet ne sera éludé, promet-on rue de Grenelle. Les banques, elles, se veulent rassurantes et assurent être prêtes au dialogue.
Reste à savoir jusqu’où ira cette concertation inédite et surtout, si elle accouchera de mesures concrètes en faveur du pouvoir d’achat. Car au-delà de la pédagogie, c’est bien la régulation des frais bancaires qui est attendue par les consommateurs. Un chantier titanesque mais nécessaire pour redonner du sens – et des couleurs – au modèle bancaire français.
Des pistes pour les professionnels et le crédit immobilier
La mission du CCSF ne se limitera pas aux particuliers. Les entrepreneurs individuels seront aussi au cœur des discussions, avec des sujets comme l’accès aux services bancaires, la séparation des patrimoines ou le surendettement. Un volet crucial au moment où le gouvernement cherche à doper la création d’entreprises.
Autre sujet phare : le crédit immobilier. Le comité planchera sur le modèle français du financement du logement et ses possibles évolutions, comme la portabilité ou la transférabilité des prêts. Des pistes qui pourraient simplifier la vie des emprunteurs et relancer un marché atone.
Banques, consommateurs : un dialogue à réinventer
Au final, cette initiative marque surtout la volonté des pouvoirs publics de réinventer le dialogue entre banques et consommateurs. Une relation souvent déséquilibrée voire conflictuelle, mais qui pourrait entrer dans une nouvelle ère. Celle de la co-construction, dans l’intérêt de tous.
Le comité a jusqu’à fin 2023 pour rendre ses travaux. D’ici là, banquiers et associations de consommateurs auront tout le loisir d’apprendre à se connaître et à travailler ensemble. Un vrai défi culturel, mais aussi une formidable opportunité de tourner la page des incompréhensions. À condition que chacun y mette du sien, sans a priori ni posture.
Les agios ne sont qu’un point de départ. Mais ils pourraient bien être le symbole d’un changement de paradigme dans le monde feutré de la banque. En ouvrant ce dossier sensible, Bercy fait le pari d’un nouveau modèle, plus transparent et plus équitable. Un modèle où les intérêts des clients ne seraient plus une variable d’ajustement mais une priorité absolue. Vaste programme…