Un pavé dans la mare des finances publiques. C’est ce que vient de jeter la Cour des comptes avec son rapport annuel sur la situation et les perspectives des comptes publics, rendu public ce lundi 15 juillet. Les magistrats financiers y pointent du doigt la trajectoire budgétaire du gouvernement pour 2025 et 2026, qui reposerait selon eux sur “des hausses importantes, mais implicites et non documentées, de prélèvements obligatoires”.
Concrètement, le programme de stabilité transmis par Bercy à Bruxelles prévoit une augmentation cumulée des prélèvements obligatoires de 21,2 milliards d’euros sur ces deux années : 15 milliards en 2025 et 6,2 milliards supplémentaires en 2026. De quoi faire bondir le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici, pour qui “la trajectoire intègre donc des mesures de hausses d’impôts d’ampleur”.
Bruno Le Maire se veut rassurant
Face à ces révélations embarrassantes, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a tenté d’éteindre l’incendie. Depuis Bruxelles où il participait à une réunion de l’Eurogroupe, il a martelé que la ligne du gouvernement “reste la stabilité fiscale”. Pour expliquer les 21 milliards d’augmentation, il a mis en avant la fin programmée du bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie.
Sauf que la Cour des comptes avait bien identifié ce facteur, chiffrant le gain lié à l’extinction du bouclier à 4 milliards d’euros en 2025. Restent donc 17 milliards de hausses non expliquées. “Pour le reste, on n’a aucun élément, ce n’est pas du tout documenté”, s’étonne Carine Camby, présidente de la première chambre de la Cour.
Un pari sur l’élasticité des prélèvements
Pour justifier ces recettes fiscales supplémentaires, Bruno Le Maire compte sur un “retour à une élasticité plus normale” des prélèvements obligatoires au PIB. Cet indicateur, qui mesure la corrélation entre la croissance des impôts et celle de l’activité, s’est établi à seulement 0,4 en 2023, au plus bas depuis 10 ans. Le ministre mise donc sur un rattrapage, tablant sur une élasticité de 1 pour les deux prochaines années.
Mais les magistrats financiers n’y croient guère. Pour eux, la faible élasticité constatée cette année “traduit moins un accident qu’un retour à la normale”, après un niveau exceptionnellement élevé de 1,4 en 2022. Ce ne serait donc pas un simple “dynamisme spontané des impôts” qui générerait des recettes supplémentaires.
Un manque de transparence pointé du doigt
Au-delà des hypothèses jugées optimistes, c’est surtout le manque de clarté du gouvernement que fustige la Cour des comptes. “Ce qui est frappant, c’est l’absence totale de documentation. On n’a pas d’éléments sur la nature de ces prélèvements supplémentaires ni sur les raisons de leur dynamisme”, insiste Pierre Moscovici.
Un déficit d’information et de transparence que les juges de la rue Cambon mettent en parallèle avec les efforts “considérables” qui seront nécessaires dans les années à venir pour redresser les comptes publics. Une gageure, alors que la dette publique frôle les 3 000 milliards d’euros et que le déficit devrait encore dépasser les 5% du PIB cette année.
La quadrature du cercle budgétaire
Comment faire, dès lors, pour concilier redressement des finances publiques et stabilité fiscale ? C’est tout le dilemme du gouvernement, qui doit en plus composer avec une croissance atone et des dépenses contraintes par l’inflation et la transition écologique. Un véritable casse-tête budgétaire.
En attendant de voir plus clair sur la stratégie de l’exécutif, la Cour des comptes appelle à un “effort sans précédent” sur la dépense publique. Avec en ligne de mire les niches fiscales, jugées trop nombreuses et pas assez efficaces. De quoi donner des sueurs froides aux contribuables, qui pourraient bien faire les frais de cette équation impossible…